Conte terrien 2009 – Levers de soleil sur l’infini et chien urbain

À Léo.

Levers de soleil sur l’infini

«Y a pas d’vue!», a décrété mon père Léo avant d’entrer dans le logement que je venais d’acquérir dans le Vieux-Rosemont, à Montréal, en 2001. Sur le balcon avant, il avait vainement tenté de déceler un coin de montage, un soupçon de forêt, un terrain vague, à défaut d’un champ… Il ne voyait que des habitations de trois étages, collées les unes sur les autres, formant, à ses yeux, un mur de brique.

J’ai protesté, vantant les charmes des escaliers en serpentin et des détails architecturaux des habitations de mes voisins. J’ai souligné les avantages de vivre à proximité de la rue Masson, une véritable artère commerciale de quartier, où l’on peut tout trouver, même un ami. Et la présence, à quelques minutes de marche, de beaux parcs et du Jardin botanique. Je lui ai aussi rappelé que j’avais la chance inouïe d’avoir une cour, à l’arrière.

Après avoir traversé le logement pour inspecter cette fameuse cour, Léo a émis un autre verdict assassin : «Le terrain est croche!». J’ai encore une fois rouspété. «Ben voyons donc¡ Le terrain n’est pas croche, il est en pente. C’est rare à Montréal de vivre sur une colline. J’adore ça!».

«Tanr mieux pour toi si tu aimes ça», qu’il m’a dit, regrettant déjà d’avoir jeté des ombres sur mon enthousiasme. Le mal était fait. Ses remarques avaient réveillé mon plus grand regret immobilier.  Si, en choisissant de vivre dans la Métropole du Québec,  j’ai fait sans peine le deuil de posséder un jour une maison à trois étages, je supporte beaucoup plus difficilement l’étroitesse de l’horizon qui est depuis mon lot quotidien. Difficile, en effet, de renoncer à ces «vues» qui ont nourri mon enfance et mon adolescence, dans la Vallée de la Matapédia, et mon entrée dans l’âge adulte sur les bords du Saint-Laurent, à Rimouski.  Quand on a grandi entre deux chaînes de montage, avec des bruits de rivière comme berceuse et un lac immense comme piscine, la quête de «vue», dans la définition qu’en avait mon père,  est inscrite dans son ADN.

Ma maison paternelle, Sayabec, Vallée de la Matapédia au Québec.

Je n’ai jamais réussi  à faire comprendre à mon père qu’en acquérant un modeste logement sans «vue», dans un quartier de Montréal qui, en 2001, n’était pas encore frappé par la spéculation immobilière, je créais l’espace nécessaire dans mon budget pour m’offrir, et à petit prix,  les plus belles vues de la planète. Depuis 2001, j’ai donc arpenté les sentiers du Paradis bohémien, à la frontière entre la République tchèque et la Pologne; j’ai marché dans les forêts humides du Costa Rica; j’ai plusieurs fois regardé la mer en marchant sur le Malecon, à la Havane; j’ai fait des sauts de puce et des séjours plus long dans les déserts du Nevada et de Californie… Zabriskie Point… La Vallée de Panamint…

Mon premier lever de soleil à Zabriskie Point, Vallée de la mort, Californie, février 2007. Photo : Jacinthe Tremblay

Je suis retournée des dizaines de fois dans ma Vallée natale, chaque fois touchée par la majesté du Fleuve, des Chic-Chocs et des Appalaches, ces chaînes de montagnes qui ont été mon terrain de jeu jusqu’à 18 ans. Depuis le dernier souffle de Léo, pendant un magnifique coucher de soleil, le 22 avril 2008, j’ai fait de Terre-Neuve ma «neuve terre», celle où je me gave de grandes eaux, de montagnes et d’horizons infinis. D’une certaine manière, j’ai le sentiment de respecter sa vision de la «vue», à la puissance mille.

En 2009, à la faveur du boulot, j’y ai séjourné plus de deux mois, entre Fog, rochers et autres beautés.

***

Mon choix immobilier de 2001 a donc eu les effets escomptés. Je remplis, le plus souvent possible par des voyages avec «vues», l’espace laissé dans mon budget par l’acquisition d’une propriété abordable. Et si je peux me permettre ces escapades fréquentes, c’est aussi grâce à un autre legs de mon père : un souci de tous les instants d’étirer le dollar par une saine gestion des revenus et dépenses.  Et en tirant profit, allègrement, de toutes les offres, même celles qui semblent les plus farfelues, des concepteurs du programme de fidélisation Aéroplan.

C’est ainsi que dans quelques heures, je m’envolerai à nouveau vers St.John’s, Terre-Neuve, grâce  à des milles aériens récoltés dans les bacs de recyclage du Vieux-Rosemont, depuis 2007.  Cet exploit, je le dois, je crois, à un autre ingrédient inscrit dans mon ADN : la capacité qu’avait ma mère, une Montréalaise, de «voir» et d’apprécier les multiples splendeurs des environnements densément peuplés. Et j’ai exercé cette habileté avec une intensité accrue depuis l’arrivée d’un chien dans ma vie, en juillet 2002.

***

À Thérèse

et chien urbain

Il s’appelle Saku et il partage ma vie, depuis bientôt six ans, pour le meilleur et trop souvent pour le pire. Mes promenades quotidiennes avec ce  diable d’animal, proche descendant du loup carnassier, m’ont permis de découvrir avec ravissement les moindres détails des infrastructures et aménagements urbains de Montréal, ceux du Vieux-Rosemont en particulier. Je me suis, à maintes reprises, nourri de la beauté des levers de soleil au-dessus des toitures des logements ouvriers centenaires de mon quartier d’adoption.  Je ne cesse de me délecter à la découverte des vitraux qui ornent encore plusieurs fenêtres de mon quartier ainsi que des sculptures de castors et feuilles d’érables, entre autres, qui agrémentent certaines façades de brique des environs de ma résidence.

Mes marches avec mon chien urbain m’ont aussi rapproché des humains qui m’entourent, transformant ce coin de ville en village. Je ne compte plus les visages connus et reconnus au fil des mois de promenade au bout de la laisse; de leurs sourires complices et, parfois même de leurs confidences. Tout comme je ne cesse d’additionner les nouvelles et belles connaissances – les nouvelles amitiés même – tissées lors de mes fréquentations d’enclos canins, à Rosemont et à Outremont.

C’est aussi grâce à ce devoir de maîtresse d’un chien urbain que j’ai constaté, un mardi matin d’avril 2007, que je pouvais récolter des milles aériens dans les bacs verts. Je me suis donc joint à la confrérie des glaneurs urbains qui, en 2009, a vu croître de façon table le nombre des glaneuses de l’Âge dit d’or.  Elles, ces nouvelles collègues de rondes de bacs du mardi matin, fouillent visiblement dans les matières recyclables pour arrondir leurs fins de mois. Peut-être pour manger. Moi, je me livre à l’exercice pour m’emvoler vers des «vues» de grands espaces et d’horizons infinis. Quelle chance, tout de même!

Dans mes rondes de bacs, j’ai récolté beaucoup plus que des milles aériens. J’ai exercé ma sensibilité à  déceler  l’humanité au-delà de l’anonymat des villes. Cette autre vision des «vues» est également inscrite dans mon ADN. C’est un legs de ma mère Thérèse, Montréalaise de naissance et infirmière-travailleuse sociale avant de devenir, en prenant mari, une Matapédienne d’adoption.  C’est en visitant mes grands-parents, à Ville-Émard, que j’ai entendu parler l’anglais pour la première fois, aperçu mes premiers Noirs, eu mes premiers contacts avec des Chinois et des Italiens, et aussi, découvert les gratte-ciel, l’art contemporain – Pellan – et constaté que l’on pouvait se déplacer en commun. Depuis, je vois aussi les villes comme des espaces ouverts sur l’infini.

***

Avant de m’établir à Montréal, à 20 ans, j’adorais ces paroles de la chanson les Gens d’en Bas, de Gilles Vigneault. «On est d’en Haut ou bien d’en Bas, quand on voyage on apprend ça.». Je sais maintenant que «Je suis d’en Haut et d’en Bas». En voyageant j’ai appris ça… Et c’est sans doute pourquoi j’ai décidé d’utiliser le billet d’avion de mes rondes de bas verts pour aller passer le cap de l’an 2010 à St-John’s, Terre-Neuve. C’est que là, on peut à la fois vivre sa ruralité et son urbanité, avec, en prime, la compagnie d’un chien urbain.

Vue de Saint-Jean de Terre-Neuve depuis Signal Hill. Août 2009. Photo : Jacinthe Tremblay

27 décembre 2009.

Lune filante sur nuit blanche. Photographie, encore

En hiver, j’adore déambuler sur les berges du fleuve, dans le Vieux-Port. C’est un des meilleurs endroits à Montréal pour voir la Ville, sentir son histoire et prendre conscience qu’elle est une île.  En hiver, après le coucher du soleil,  le Vieux-Montréal prend des airs de la Vallée de la mort en été. Si les humains se font plus rares dans ce désert américain entre mai et octobre, c’est qu’il y règne une chaleur torride, tellement qu’on peut en crever.  Pour survivre, il faut être économe de ses mouvements et boire beaucoup, beaucoup d’eau.  En hiver, la nuit, les berges du fleuve, au pied du Vieux-Montréal, devient une Vallée de la mort inversée. Le froid et surtout l’humidité, décuplée par les vieilles pierres des édifices et les pavés transforment très souvent le Vieux-Montréal en environnement hostile. Des vents forts soufflent sur les rives du Saint-Laurent. Pour survivre, il faut bouger, emmitoufflé dans des vêtements conçus pour des climats nordiques.  Pour goûter les beautés du Vieux-Montréal, les nuits d’hiver, comme les merveilles de la Vallée de la mort, les jours d’été,  il faut un certain courage, un peu de folie même.

Dans la nuit du samedi 28 février au 1er mars, des milliers de Montréalais et quelques touristes, sans doute, ont bravé les éléments pour se rassembler dans le Vieux-Montréal et son Vieux-Port pour la dizième Nuit blanche du festival Montréal en lumière. Et comme les visiteurs de la Vallée de la mort réunis pour un lever de soleil à Zabriskie Point, des dizaines – des centaines? – d’entre eux avaient apporté une caméra numérique ou avaient placé leur téléphone portable en mode photo. «J’Y ÉTAIS», pourraient-ils prouver à leurs petits-enfants, un jour.

J’avais mon portable. Je n’ai pu résister à la tentation d’immortaliser une meute de photographes. Avec le résultat désastreux que voici.

Photographes photographiant la Nuit blanche 2009 à Montréal. Cliché raté sur portable de Jacinthe Tremblay

Photographes photographiant la Nuit blanche 2009 à Montréal. Cliché raté sur portable de Jacinthe Tremblay

Après avoir pris cette photo, j’ai fait comme à Zabriskie Point au lever du soleil, j’ai regardé avec attention ces festivaliers à la caméra. Et, comme à Zabriskie Point, j’ai remarqué qu’il y avait parmi eux un photographe. Professionnel s’entend. Après l’Ontarien Stephen Gilligan et le Britannique Geoffrey, de Kaaphotos, croisés dans la Vallée de la Mort à capter le lever du soleil à Zabriskie Point, Jacques Nadeau, photographe au Devoir,  au travail pour saisir l’esprit de cette Nuit blanche.

Comme je l’avais fait avec Stephen Gilligan le 19 janvier dans la Vallée de la mort, j’ai décidé de l’observer. En fait, je l’ai observé avec sa permission. Jacques, qui a été un collègue pendant mon passage au Devoir, travaille intensément quand il est au travail. Pas question de se laisser distraire par trop de questions. N’empêche, je lui ai demandé ce qu’il voulait photographier. Il m’a répondu qu’il ne le savait pas et qu’il circulerait dans le Vieux-Port jusqu’à ce qu’il trouve. Il a marché, actionné des dizaines de fois le déclencheur. Et puis il m’a dit : je l’ai, en précisant qu’il avait décidé que peu importe ce qu’il prendrait comme photo, il y aurait la lune. Parce qu’il faut une lune pour avoir une nuit blanche qu’il a ajouté.

Pour prendre la photo du lever de soleil à Zabriskie Point qu’il m’a fait parvenir, Stephen Gilligan est resté longtemps sans bouger sur son poste d’observation et a pris des dizaines. Pour prendre la photo qui fait la Une du Devoir ce matin, Jacques Nadeau a marché longtemps et pris des dizaines de photos.  Et il a su et décidé, sans hésiter, laquelle était la bonne.

Comment? Je ne sais pas. Mais je crois qu’il y a une parenté entre les journalistes au clavier et les journalistes à la caméra. Avec le temps, qui enrichit l’expérience du métier, on peut en arriver – pour peu que l’on sache écouter ou regarder – à se laisser porter par un certain hasard. Pour faire une entrevue, par exemple, on peut décider de la mener à partir d’une seule question. Ce qu’on apprend ensuite dépend de notre écoute.  Le reste coule de source. Il peut arriver de devoir attendre de longues minutes de mots vides de sens avant d’entendre et de noter ce qu’on sait, sur le champ, que l’on citera dans le papier.

Parfois, en relisant ses notes et en revivant la rencontre dans sa mémoire, on change d’idée. On trouve mieux. C’est sans doute ce qui s’est passé pour Jacques Nadeau quand il a regardé ses photos de la Nuit Blanche dans le Vieux-Port. Celle qu’il m’avait montrée comme étant la bonne n’est pas celle qui fait la Une du Devoir.

Nuit blanche 2009. Montréal. Photo : Jacques Nadeau

Aujourd’hui et pour les prochains jours, je délaisse ce carnet et même ma ronde de bacs verts de demain pour écrire le portrait de l’acteur québécois Miro, qui personnifie le chef des méchants dans le spectacle Kà, du Cirque du Soleil, créé par le metteur en scène Robert Lepage. Je l’ai rencontré pendant une heure lors de mon séjour dans la Vallée de la mort, en janvier. Pendant l’entrevue, Miro m’a dit : «Le Cirque du Soleil est arrivé dans ma vie comme une erreur de parcours. Je n’avais jamais pensé, ni rêvé de ça, surtout pas à Las Vegas». J’ai immédiatement mis une petite étoile près de ces mots dans mon carnet. Il y avait là une citation.

Hier, j’ai revu mes notes, lu sur Miro, relu un texte écrit par Miro il y a 13 ans dans le Journal de l’École nationale de théâtre. Je ne sais plus si cette citation se retrouvera dans mon article. Plus le texte est court, plus il faut sacrifier des citations qui bien qu’accrocheuses, s’écartent de l’essentiel. J’ai 1000 mots pour faire le portrait de Miro. Je saurai en l’écrivant si j’y inclus sa réaction spontanée – qui semble invraisemblable – lorsqu’on est invité sans l’avoir demandé à incarner un des personnages les plus marquants d’un spectacle de Robert Lepage pour le Cirque du Soleil. À suivre.

Zabriskie Point : le lever de soleil du photographe à la Hasselblad

Hier, j’ai reçu dans ma boîte de courriels un merveilleux cadeau, accompagnant un court message. En voici un extrait, dans sa langue originale. «I am the photographer with the Hasselblad you were talking at Zabriskie Point Jan 19th. I read your January 20th blog entry (more precisely, I got an interpretation with the help of Google language tools). I enjoyed the entry, you were paying close attention! I have attached the photograph I was working on as we spoke, I thought you might get a kick out of seeing it. I have also included an image composed from the more common vantage point, yes I did look that way as well! ». Stephen Gilligan.

zabriskie-point

Je garde pour moi la photo – magnifique – de Point Lobos, celle sur laquelle il travaillait quand nous nous sommes rencontrés. Celle que je partage ici est, comme il l’écrit si bien, une image «composée à partir du point d’observation le plus populaire».

C’est ce point de vue que la vaste majorité des touristes, armés de caméras numériques bas de gamme, rapportent en souvenir de leur lever de soleil à Zabriskie Point.  Je le sais. Je l’ai fait et deux fois plutôt qu’une.

La photographie de Stephen Gilligan me conforte dans ma décision du 19 janvier dernier de m’imprégner de la majesté de ce spectacle en utilisant mes sens comme outil de mémoire. Un lever de soleil dans le désert est en effet une expérience exceptionnelle pour les yeux, la peau et l’ouïe.  Les couleurs, la lumière et les ombres changent à chaque instant. Les mouvements de la lune qui disparaît et du soleil qui se pointe modifient la température de l’air ambiant. Le vent se lève et se calme. Il caresse la peau, sa musique romp le silence du désert. L’obsession du souvenir photographique peut – et fait souvent – rater cette rare expérience, possible uniquement, je crois, dans des lieux ouverts sur l’infini. Comme Signal Hill, à Saint.John’s, Terre-Neuve, par exemple.

Ce Zabriskie Point de Stephen Gilligan confirme une autre de mes réflexions sur la photographie de ces paysages : le noir et blanc traduit mieux l’impression laissé par le désert que la couleur. Bien sûr, les mutations des montagnes  du brun, au bleu, au rose et au jaune caramel fascinent et éblouissent. Mais la majesté du désert, pour moi, réside dans les jeux d’ombres et de lumière.  Le noir et blanc les saisit. La couleur les camouffle.

Les photos de Zabriskie Point des grands artistes de la caméra ont une autre précieuse qualité. Elles arrivent à déjouer une des grandes illusions du désert :  la conviction que ce qui est loin est à quelques mètres de nous. La caméra numérique bas de gamme se fait prendre à ces mirages.  En voici la preuve, avec un des mes clichés du même paysage. La Hasselblad, utilisée par un professionnel, révèle combien large est la Vallée de la Mort.

Soleil levant à Zabriskie Point, février 2007, Jacinthe Tremblay

Soleil levant à Zabriskie Point, février 2007, Jacinthe Tremblay

***

Vous avez déjà échangé des adresses de courriel en voyage, dans l’enthousiasme d’un moment de complicité avec des inconnus? Ces engagements à garder le contact ont rarement des suites.  Le 19 janvier dernier, avant de quitter le poste d’observation de Zabriskie Point, j’avais laissé les coordonnées de ce carnet et mon adresse de courriel à un photographe à la Hasselblad venu saisir en noir et blanc le lever du soleil. Stephen Gilligan avait rapidement pris le bout de papier.  Il était intensément concentré sur son boulot, le regard et l’objectif pointés en direction des mouvements d’ombres sur Point Lobos, une zone du paysage immortalisée à la fin des années 1930 par le photographe Edward Weston, qu’il m’a fait découvrir et dont je reproduis encore la célèbre photo.

Point Lobos. Zabriskie Point. Edward Weston. 1938

***

Dans mon billet du 19 janvier, j’écrivais : «l’homme à la Hasselblad m’a dit son nom. Si je le retrouve dans Internet, je vous le présenterai.» Malgré d’intenses recherches, je n’avais jamais retrouvé ce Stephen Gilligan dans Internet. Et j’avais presque oublié le bout de papier rapidement remis à ce professeur de photographie ontarien le 19 janvier.

***

Vous avez déjà échangé des adresses de courriels en voyage dans l’enthouiasme d’un moment de complicité avec des inconnus? Même  si ces engagements à garder le contact ont rarement des suites, continuez à griffonner vos noms et adresses sur des bouts de papier.

Le courriel reçu hier de Stephen Gilligan prenait fin sur les mots suivants : «It was nice to meet you, however brief».

FOR ME TOO, STEPHEN GILLIGAN!

Echos photos de Zabriskie Point pour le 5 à 7 du BO Day

Après avoir vécu un moment historique avec la dame à latélécommande de Stovepipe, j’avais décidé de cesser ma quête des échos obamabiennes dans Death Valley jusqu’à ce que je rencontre Geoffrey et Debra pour un 5 à 7 impromptu sur notre terrasse commune du Panamint Springs Resort. J’ai su immédiatement qu’ils étaient Britanniques, à leur accent. Ils vivent à Londres. Ils ont immédiatement su que je n’étais pas Américaine, et même pas Française, au mien.

Ils avaient rapidement, le matin, regardé la transmission de l’inauguration de BO à Furnace Creek. Ils avaient aussi constaté être les seuls dans ce lieu à sembler être excités par l’événement. Fin des échanges sur l’actualité et début des commentaires sur nos périples respectifs.   Nous avons immédiatement fait plusieurs consensus : ce désert est magnifique, le Strip de Las Vegas est insupportable, les prix du restaurant du PSR sont indécents et le lever du soleil à Zabriskie Point est un spectacle inouï.  

« C’est une expérience incroyable. Je suis photographe», a dit Geoffrey. Et de trois! Après les deux profs ontariens rencontrés le 19, jour de Martin Luther King, voilà que je tombe le jour de Barak Obama, sur un photographe britannique spécialiste de la vie sauvage aujourd’hui recyclé en photographe d’architecture principalement résidentielle, puisqu’il faut bien en vivre.  Geoffrey a pris ses images du lever de soleil avec une Nikon argentique. Elles seront visibles dans les prochaines semaines dans son site Internet . J’ai fait un tour : c’est un pro.

J’ai demandé à Geoffrey s’il connaissait Edward Weston,  le photographe dont m’avait parlé le photographe ontarien rencontré la veille. «Weston est connu mais c’est aussi parce qu’il était un ami personnel d’Ansel Adams,  un photographe plus commercial que Weston qui était lui, plus artistique», m’a-t-il dit avec un petit air coquin, parfaitement conscient de mon ignorance. Ansel Adams??? «Adams est l’un des photographes les plus célèbres au monde. Il a développé la théorie de la visualisation.»

En visitant le site Internet consacré à son oeuvre et à sa vie, le  www.anseladams.com, j’ai réalisé que nous connaissons tous au moins une de ses photos,  un peu comme nous avons tous entendu un jour  un air des Beatles ou de Mozart. Adams était aussi, un grand environnementaliste.

J’ai renoncé à introduire ici une photo de Adams, son site étant très bien conçu pour protégér les redevances de ses droits d’auteur… À la place, et en dépit de la pauvreté technique et artistique de ma production,  je vous laisse quelques «clichés» personnels des Sand Dunes de Death Valley pris le 19 janvier. Ce genre de paysage correspond à l’idée que les  cours de géographie de mon école primaire  inculquaient des  déserts.   Pendant très longtemps, je croyais qu’ils étaient tous en Afrique, habités uniquement par des chameaux et, évidemment, sans aucune végétation ni montagne. C’est un peu plus compliqué que ça, comme tout le reste…

Les Sand Dunes de Death Valley, près de Stovepipe.

Les Sand Dunes de Death Valley, près de Stovepipe.

Les dunes de sable au pied des montagnes de Death Valley

Les dunes de sable au pied des montagnes de Death Valley

Soleil levant à Zabriskie Point, Martin Luther King Day 2009

J’ai vécu le lever du soleil  à Zabriskie Point hier, le 19 janvier 2009, la veille des célébrations de l’arrivée de Barak Obama à la Maison-Blanche. Quand j’ai fermé la télé avant de me diriger à ce rendez-vous, CNN délifait des entrevues de personnalités afro-américaines rappellant l’importance de Martin Luther King – le 19 janvier est sa journée.

Quand je suis arrivée au look-out de Zabriskie Point, j’ai vite constaté que le MLK Day était surtout, pour la trentaine de personnes venues assister au lever du soleil, un jour de congé férié et, une occasion d’utiliser leur caméra numérique. TOUS, sauf moi, regardaient le paysage à travers un objectif.  Certains étaient ouvertement impatients que l’astre du jour tarde à se montrer.  Vite, qu’on en finisse : il me faut rapporter le moment rose des montagnes d’en face. Après cet instant d’ailleurs, l’observatoire s’est pratiquement vidé, laissant aux rares mordus les meilleures places pour l’heure restant des jeux d’ombres et de lumières.  Un lever de soleil à Zabriskie Point, en version intégrale, dure plus de deux heures.

Parmi les irréductibles admirateurs de la totale, il ne restait plus, à la fin, que deux hommes et moi.  Moi, avec mes seuls yeux comme lentilles. Eux,  avec des caméras professionnelles.  Le premier, une Canon Mark II, l’appareil récemment acquis par ma fille Luce et dont les capacités transforment déjà son carnet WEB, La liste d’épicerie.  Il m’intriguait depuis mon arrivée parce que son appareil était dirigé ailleurs que tout le monde, moi y compris dans lesl photos publiées dans mon billet précédent.   Le second  a encore plus suscité ma curiosité. En plus de braquer sa caméra dans la même direction que le premier, l’homme dans la cinquantaine utilisait une Hasselblad argentique.

Hasselblad argentique

Hasselblad argentique

Il était donc, à l’évidence, un pro ou sinon un amateur extrême.

N’écoutant que ma curiosité, j’ai amorcé une conversation.

– Vous êtes photographe?

– Non. Vous êtes Française?

– Non. Je suis Québécoise. Si vous n’êtes pas photographe, vous êtes quand même équipé comme un pro…

– J’enseigne la photographie dans un collège spécialisé en Ontario et je suis venue ici faire quelques expériences. Il y a une longue et passionnante histoire des relations entre la photographie et Zabriskie Point.

– Pouvez-vous m’en parler un peu?

En me prévenant qu’il n’était pas un spécialiste – ce que j’ai pris avec un grain de sel puisqu’il venait de me dire qu’il n’était pas  un photographe (il a précisé commercial par la suite),  il m’a parlé d’Edward Weston ,  présenté par ses héritiers comme le photographe américain le plus influent du 20e siècle.  Il est célèbre, notamment, pour ses nus, si j’en juge les prix demandés pour des imprimés par ses descendants. (plus de 10 000.$).  Dans les années 1930,  Weston a photographié plusieurs sites de l’Ouest américain grâce à une bourse Guggenheim. Il a photographié Death Valley en 1938 et en a tiré une de ses  images les plus connus de Zabriskie Point.

Point Lobos. Zabriskie Point. Edward Weston. 1938

Point Lobos. Zabriskie Point. Edward Weston. 1938

En ce 19 janvier 2009, jour de Martin Luther King, c’est cette image que les deux photographes rencontrés au sommet de Zabriskie Point et qui y étaient venus ensemble  cherchaient à reproduire. Le premier avec sa Canon Mark II et l’autre avec sa Hasselblad argentique.

L’homme à la Hasselblad m’a dit son nom. Si je le retrouve dans Internet, je vous le présenterai. Depuis cette rencontre,  je vois d’un autre oeil des touristes à la caméra. Il y a peut-être un futur Edward Weston qui sommeille en eux. Ou encore un William Henry Jackson. Celui-là est responsable des premières photos de l’Ouest américain, en  1871. C’est en voyant ses images que le Congrès américain a décidé de créer, en 1872, le premier parc national des Éatats-Unis, le fameux Yellowstone de Yogi l’ours.

PS. sur l’heure du lever de soleil. It depends of what you want to see, m’a expliqué très judicieusement Roy, le gardien du camping du Panamint Springs Resort. Le soleil n’est pas une ampoule qu’on met à on ou à off  à  une heure précise, a-t-il ajouté.

J’ai retrouvé hier avec plaisir ce sage homme du désert. Dans une heure, nous partons ensemble vers le village fantôme de Darwin où vivent environ 50 personnes. Nous allons rencontrer la postière, une source intarrissable d’anecdotes, selon Roy. Je verrai alors si la Vallée de Panamint vibre au party Obama. Roy, lui, n’est pas très axcité par ce moment historique. Il attend de voir ce que ça va donner.

Écrit depuis une table ronde installée en  face de ma chambre du Panamint Springs Resort. Clichés à venir de cet univers, de Roy et des traces d’Obama dans le désert.