Confusion urbaine sur les corneilles et corbeaux

Ça, c'est une corneille.

Ça, c'est une corneille.

Il y a quelques jours, pendant un passage matinal à l’enclos canin du Parc Lafond, un son strident s’est élevé au-dessus des têtes des maîtres et maîtresses de chiens urbains rassemblés sous un arbre pour échapper à la pluie. «Regardez, c’est un corbeau!», a lancé une dame. Je n’ai pu résister à la corriger en l’informant que l’oiseau noir en question était une corneille.

J’avais, en plus, trois bonnes raisons d’affirmer une telle chose avec aplomb.

– Les batailles de Madame Perreault (années 60 et plusieurs autres décennies).

J’ai vu et entendu des corneilles pendant toute mon enfance et mon adolescence dans la Vallée de la Matapédia. Elles sont bruyantes, capables avec leurs cris stridents de réveiller tout un village. C’est d’ailleurs ce qu’elles faisaient à Sayabec, au grand dam de notre voisine. Madame Blanche Perreault claquaient aux aurores et plusieurs fois pendant la journée une partie de sa corde de bois sur le mur de sa maison pour tenter de les chasser de son beaucage. Ces damnés d’oiseaux noirs, pestait-elle, mangent mes framboises. Or, ces damnés d’oiseaux noirs n’étaient absolument pas impressionnés par les bruits de  bois claquant sur le bois. Elles s’envolaient en formant un gros nuage noir… et reprenaient leur place dans le beaucage quelques instants plus tard. Et le manège recommençait : cris de corneilles; claquements de bois sur bois; nuage noir,  reprise de contrôle du beaucage; cris de corneilles; claquements… Le manège a duré toute mon enfance et n’a cessé, j’imagine, qu’au décès de Madame Perreault,  à l’âge de 98 ans. J’ose croire que sa bataille éternelle contre les corneilles a stimulé sa soif de vivre.

– Envahissement des terres agricoles par les corneilles (2009)

Aux nouvelles ces jours-ci, on parle beaucoup de l’envahissement des corneilles dans les champs de la plaine du St-Laurent. Elles menacent les récoltes de plusieurs producteurs agricoles qui sont à la recherche de moyens de se débarrasser de ces damnés d’oiseaux noirs qui sont, dans certains champs, entre 200 et 300. Je souhaite pour eux qu’ils trouvent cette solution mais je crains que leurs efforts soient, comme celles de Madame Perreault, comdamnées à l’échec. L’ornithologue Jean Provencher conseillait d’ailleurs aux producteurs de «faire avec», comme avec la météo d’ailleurs.

– Montréal et – même son Mont-Royal – ne sont pas à la hauteur pour un corbeau

Ça, c'est un corbeau.

Ça, c'est un corbeau.

Voyons un peu comment on parle du corbeau dans l’Encyclopediacanadiana.  «Le Corbeau ressemble à la Corneille, mais il est plus grand et son bec est beaucoup plus fort. De plus, les plumes de sa gorge sont pointues et allongées. Les corbeaux sont des charognards. Ils vivent dans les régions montagneuses ainsi que dans les contrées sauvages au relief accidenté.»

Bon. Montréal a tout ce qu’il faut pour des charognards… Mais disons que ce n’est pas précisément une région montagneuse, malgré la présence du Mont-Royal et des autres Montérégiennes. Pour un corbeau, ce sont des bosses. Le relief accidenté? Ça, Montréal en offre en abondance avec les nids de poule, les crevasses sur la majorité des rues et des trottoirs. Mais encore une fois, les exigences du corbeau sont plus élevées.

À preuve, j’ai vu des corbeaux à deux reprises au cours de la dernière année. C’était dans le désert de la Vallée de la mort et au Labrador, plus précisément à Labrador City et dans ses environs. C’est gros un corbeau. Gros presque comme une poule. Mais contrairement à la poule – dite pas de tête – le corbeau est un oiseau dit très intelligent. Et rusé. J’imagine que si une Madame Perreault claquait bois sur bois pour en effrayer un, il ne broncherait pas.

Il? Le corbeau, comme la corneille, a ses mâles et ses femelles. Comment reconnaître le sexe de ces damnés d’oiseaux noirs? Je l’ignore. Mais chose certaine, LA CORNEILLE N’EST PAS LA FEMELLE DU CORBEAU.

Lune filante sur nuit blanche. Photographie, encore

En hiver, j’adore déambuler sur les berges du fleuve, dans le Vieux-Port. C’est un des meilleurs endroits à Montréal pour voir la Ville, sentir son histoire et prendre conscience qu’elle est une île.  En hiver, après le coucher du soleil,  le Vieux-Montréal prend des airs de la Vallée de la mort en été. Si les humains se font plus rares dans ce désert américain entre mai et octobre, c’est qu’il y règne une chaleur torride, tellement qu’on peut en crever.  Pour survivre, il faut être économe de ses mouvements et boire beaucoup, beaucoup d’eau.  En hiver, la nuit, les berges du fleuve, au pied du Vieux-Montréal, devient une Vallée de la mort inversée. Le froid et surtout l’humidité, décuplée par les vieilles pierres des édifices et les pavés transforment très souvent le Vieux-Montréal en environnement hostile. Des vents forts soufflent sur les rives du Saint-Laurent. Pour survivre, il faut bouger, emmitoufflé dans des vêtements conçus pour des climats nordiques.  Pour goûter les beautés du Vieux-Montréal, les nuits d’hiver, comme les merveilles de la Vallée de la mort, les jours d’été,  il faut un certain courage, un peu de folie même.

Dans la nuit du samedi 28 février au 1er mars, des milliers de Montréalais et quelques touristes, sans doute, ont bravé les éléments pour se rassembler dans le Vieux-Montréal et son Vieux-Port pour la dizième Nuit blanche du festival Montréal en lumière. Et comme les visiteurs de la Vallée de la mort réunis pour un lever de soleil à Zabriskie Point, des dizaines – des centaines? – d’entre eux avaient apporté une caméra numérique ou avaient placé leur téléphone portable en mode photo. «J’Y ÉTAIS», pourraient-ils prouver à leurs petits-enfants, un jour.

J’avais mon portable. Je n’ai pu résister à la tentation d’immortaliser une meute de photographes. Avec le résultat désastreux que voici.

Photographes photographiant la Nuit blanche 2009 à Montréal. Cliché raté sur portable de Jacinthe Tremblay

Photographes photographiant la Nuit blanche 2009 à Montréal. Cliché raté sur portable de Jacinthe Tremblay

Après avoir pris cette photo, j’ai fait comme à Zabriskie Point au lever du soleil, j’ai regardé avec attention ces festivaliers à la caméra. Et, comme à Zabriskie Point, j’ai remarqué qu’il y avait parmi eux un photographe. Professionnel s’entend. Après l’Ontarien Stephen Gilligan et le Britannique Geoffrey, de Kaaphotos, croisés dans la Vallée de la Mort à capter le lever du soleil à Zabriskie Point, Jacques Nadeau, photographe au Devoir,  au travail pour saisir l’esprit de cette Nuit blanche.

Comme je l’avais fait avec Stephen Gilligan le 19 janvier dans la Vallée de la mort, j’ai décidé de l’observer. En fait, je l’ai observé avec sa permission. Jacques, qui a été un collègue pendant mon passage au Devoir, travaille intensément quand il est au travail. Pas question de se laisser distraire par trop de questions. N’empêche, je lui ai demandé ce qu’il voulait photographier. Il m’a répondu qu’il ne le savait pas et qu’il circulerait dans le Vieux-Port jusqu’à ce qu’il trouve. Il a marché, actionné des dizaines de fois le déclencheur. Et puis il m’a dit : je l’ai, en précisant qu’il avait décidé que peu importe ce qu’il prendrait comme photo, il y aurait la lune. Parce qu’il faut une lune pour avoir une nuit blanche qu’il a ajouté.

Pour prendre la photo du lever de soleil à Zabriskie Point qu’il m’a fait parvenir, Stephen Gilligan est resté longtemps sans bouger sur son poste d’observation et a pris des dizaines. Pour prendre la photo qui fait la Une du Devoir ce matin, Jacques Nadeau a marché longtemps et pris des dizaines de photos.  Et il a su et décidé, sans hésiter, laquelle était la bonne.

Comment? Je ne sais pas. Mais je crois qu’il y a une parenté entre les journalistes au clavier et les journalistes à la caméra. Avec le temps, qui enrichit l’expérience du métier, on peut en arriver – pour peu que l’on sache écouter ou regarder – à se laisser porter par un certain hasard. Pour faire une entrevue, par exemple, on peut décider de la mener à partir d’une seule question. Ce qu’on apprend ensuite dépend de notre écoute.  Le reste coule de source. Il peut arriver de devoir attendre de longues minutes de mots vides de sens avant d’entendre et de noter ce qu’on sait, sur le champ, que l’on citera dans le papier.

Parfois, en relisant ses notes et en revivant la rencontre dans sa mémoire, on change d’idée. On trouve mieux. C’est sans doute ce qui s’est passé pour Jacques Nadeau quand il a regardé ses photos de la Nuit Blanche dans le Vieux-Port. Celle qu’il m’avait montrée comme étant la bonne n’est pas celle qui fait la Une du Devoir.

Nuit blanche 2009. Montréal. Photo : Jacques Nadeau

Aujourd’hui et pour les prochains jours, je délaisse ce carnet et même ma ronde de bacs verts de demain pour écrire le portrait de l’acteur québécois Miro, qui personnifie le chef des méchants dans le spectacle Kà, du Cirque du Soleil, créé par le metteur en scène Robert Lepage. Je l’ai rencontré pendant une heure lors de mon séjour dans la Vallée de la mort, en janvier. Pendant l’entrevue, Miro m’a dit : «Le Cirque du Soleil est arrivé dans ma vie comme une erreur de parcours. Je n’avais jamais pensé, ni rêvé de ça, surtout pas à Las Vegas». J’ai immédiatement mis une petite étoile près de ces mots dans mon carnet. Il y avait là une citation.

Hier, j’ai revu mes notes, lu sur Miro, relu un texte écrit par Miro il y a 13 ans dans le Journal de l’École nationale de théâtre. Je ne sais plus si cette citation se retrouvera dans mon article. Plus le texte est court, plus il faut sacrifier des citations qui bien qu’accrocheuses, s’écartent de l’essentiel. J’ai 1000 mots pour faire le portrait de Miro. Je saurai en l’écrivant si j’y inclus sa réaction spontanée – qui semble invraisemblable – lorsqu’on est invité sans l’avoir demandé à incarner un des personnages les plus marquants d’un spectacle de Robert Lepage pour le Cirque du Soleil. À suivre.

De quelques raisons de croire au changement chez les Voisins – Adopt-a-cabin

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Ce que vous voyez ici est un secret bien gardé,  et qui le restera malgré ces images.

Il existe, dans la Vallée de Panamint, plusieurs refuges aménagés dans des anciens campements miniers de l’époque de la Ruée vers l’or. Celui-ci était, à l’époque, la maison du gérant de la mine. Grand salon salle à manger, deux chambres, salle de bain et cuisine. Balcon à l’avant et terrasse à l’arrière. 

Il est occupé, entretenu et meublé par des amants de la Vallée de Panamint. On y trouve des meubles, des jeux, des livres, un frigo, un garde-manger assez bien garni et même un bar avec quelques bouteilles presque pleines le jour où Roy, mon homme du désert – portrait à venir – m’y a amenée, en janvier 2008.

Pour s’y installer, rien de plus simple. Il suffit d’observer l’emplacement du drapeau américain installé à l’avant.  Si le drapeau est levé : la place est disponible. Elle est à vous. S’il est en berne, il y a quelqu’un. Prière de ne pas déranger! 

Chalet à flanc de montagne disponible gratuitement. Introuvable sur une carte. Accessible uniquement aux amants de la Vallée de Panamint.

Chalet à flanc de montagne disponible gratuitement. Introuvable sur une carte. Accessible uniquement aux amants de la Vallée de Panamint.

Les usagers sont responsables de la propreté des lieux et de la tenue d’un journal de bord pour signaler des faits utiles aux prochains occupants. Le jour de mon passage, par exemple,  on y signalait qu’un cougar rodait autour de la cabine mais qu’il n’était pas dangereux. Dans une entrée précédente, quelqu’un avait indiqué avoir laissé des pâtes alimentaires au frigo – avec la date.

Roy, qui a sillonné les recoins de la Vallée de Panamint pendant six mois à chaque jour, avait  découvert en 2008 environ 7 refuges Adopt-a-cabin dans les alentours.  Depuis,  il en a trouvé un nouveau,  alimenté à l’énergie solaire. Ses usagers ont donc de  l’électricité pour faire fonctionner leurs appareils ménagers !

Ces merveilles d’entraide collective,  de confiance – trust – envers les êtres humains sont sans équivalent, à ma connaissance, dans notre coin du monde qui se targue d’être  une société modèle. Mais peut-être que quelque part, dans un recoin isolé et sauvage de l’Alberta – cette province dite de droite que l’on aime détester sans la connaître -, il y a des Adopt-a-Cabin?

Monument historique à Darwin, Californie

L'obélisque de The MADAM de Darwin, Californie. 20 janvier 2009.

L'obélisque de The MADAM de Darwin, Californie. 20 janvier 2009.

En ce BO Day, je suppose que la terre entière a vu à saciété l’obélisque de Georges Washington, à Wahsinton, le lieu même d’un moment Historique. Désolée de ne pas inclure ici une image de ce monument historique. L’accès internet du Panamint Springs Resort – et les lois de protection des droits d’auteur et du droit à l’image – ne me permettant pas de les montrer ici.

Ceci étant écrit, je m’autorise à vous montrer un monument historique croqué à Darwin en ce jour historique.

L’obélisque du cimetière de Darwin, un village minier de la ruée vers l’or, a été érigé par un amoureux – Bill Jackson, qui repose d’ailleurs en paix, on l’espère pour lui, à ses pieds – de The Madam Nancy Williams. Dans le langage de l’Ouest, une madame est une tenancìère de bordel.

Nancy Williams, si je comprends bien, est née le 13 septembre 1877 et est morte à l’âge de 45 ans, à Darwin.

The Madam  occupe la place la plus en vue du cimetière de Darwin,  un petit village presque fantôme où vivent en 2009 un peu plus de 50 hommes seuls et une postière et ses deux chiens.  Un cimetière qui nous en apprend beaucoup sur l’Histoire des États-Unis et qui nous permet d’espérer qu’Obama gagnera son pari.  Pourquoi ? À suivre sous peu, quand le lien internet sera plus rapide.