Ronde de bac : Saku pris au piège

Et oui, elles continuent nos rondes de bacs verts à la recherche de milles aériens. Cette fois, au bénéfice de Médecins sans forntières. Petites récoltes malheureusement depuis quelques semaines. Seulement 45 milles ce matin. Mais quel rigolade m’a offert Saku au retour de notre petite marche matinale.

Il y avait, dans ce maigre mutin, un emballage de barres tendres dans lequel, si j’ai bien compris la suite, il restait quelques grenailles d’avoine ou de raisin. Saku, ayant flairé le festin possible, a attendu que je sois bien installée à mon ordinateur pour aller y voir de plus près. Résultat? Il s’est littéralement mis la tête dans le sac et s’y est retrouvé ligoté, littéralement. Comme toujours dans ces cas, Saku implore mon aide. Il sait qu’en ces matières, les humaines sont clairement plus forts que les chiens.

J’ai opté pour couper la gance de mon sac de ronde de bac, non sans avoir, au préalable, immortalisé le regard de pitou piteux de mon fidèle chien urbain pris au piège de sa gourmandise.

Salu, le chien urbain, pris au piège de sa gourmandise. Photo : Jacinthe Tremblay

Ultime ronde de bacs 2009 : mutations à l’horizon…


Ça y est. Mes pires craintes ont été confirmées ce matin. Craintes, je dois le préciser, qui se limitent au sort des promotions de milles aériens dans les contenants de jus Tropicana. Comme les actions en Bourse en 2009, leur cours s’est effondré dramatiquement au cours des dernières semaines.

Comme celui de la Bourse, le cours des milles aériens de recyclage s'est effondré en 2009

Ainsi, ma ronde de bacs verts d’une heure en ce mardi matin glacial de fin décembre n’a ajouté que 135 petits milles dans le compte Optez pour plus de «Complice» – pour des raisons évidentes, je n’indiquerai ni son nom et encore moins son sexe -.«Complice», donc, a accepté de me prêter son identité pour ouvrir un nouveau compte Aéroplan dans lequel déverser les fruits de mes récoltes de milles aériens de recyclage après que les enquêteurs de Optez pour plus eurent décrété unitaléralement que j’étais interdite de séjour dans le site internet de leur machine de marketing. «Complice» – alias de moi – a à ce jour près de 4500 milles en banque. Pas mal, tout de même, mais au prix de quels efforts!

C’est que l’introduction des sacs bleus, qui emprisonnent les matières recyclables,  combinée à la décision des penseurs de cette opération marketing frauduleusement rebaptisée Optez pour PLUS ont mis fin aux rondes couronnées de l’addition de 400 milles aériens et plus des premiers mois de 2009. Et au surplus, en cette ultime ronde de 2009, je me suis heurtée à ça!

Non, il n'y a pas 18 milles aériens sur ce contenant. Il y a 18 oranges...

Après quelques instants de découragement – et de colère -, j’ai repris ma quête, plus déterminée que jamais. En me rappelant que je pourrai encore compter sur les bonnes habitudes alimentaires de mes voisins du Vieux-Rosemont pour m’envoler encore en 2010. En comptant, entre autres, sur leur consommation de deux produits appelés «vie» et «nature» dont le cours,  jusqu’à maintenant du moins, sont les «blue chips» de ce programme de fidélisation.

Lexique : Aéroplan, la suite. Cé quand cé qu’on sen va où?

Rappel de l’introduction à la définition du mot Aéroplan :

Aéroplan. 1. marque de commerce qui désignait, à l’origine, le programme de fidélisation de la compagnie aérienne Air Canada.  Les synonymes d’un mille Aéroplan, mais pas nécessairement les équivalents, pourraient donc être un mille Flying Blue – Air France et KLM -, un mille One World – British Airways, entre autres – ou un mille Mileage Plus, de United Airlines.

J’ai informé mon ami belge Marco de cette entrée puisqu’il est la bougie d’allumage de ce lexique. «Je commence à voir poindre une lueur», m’a-t-il écrit après sa lecture de l’introduction de la définition du mot Aéroplan, le 18 février 2009. La suite de son message est digne d’intérêt, démontrant bien toutes les confusions et quiproquos possibles dans les échanges outre-atlantiques, même entre francophones. «D’abord j’ai compris que les « milles » sont les distances anglophones et non la suite de zéro. Bon je n’ai jamais été très doué en orthographe et donc ça ne m’a pas sauté aux yeux que les 000 ne prennent pas d »s » au pluriel. »

Ce commentaire invite un ajout à la définition : 2- Programme de fidélisation dont les unités d’échanges contre des primes  sont des milles, soit  «l’ancienne mesure de distance en usage dans de nombreux pays» – le Petit Robert. Les milles sont toujours l’unité de distance des États-Unis d’Amérique alors que le Canada est passé depuis de nombreuses années à l’ère métrique.

Marco ne s’est pas arrêté là!. Il a enchaîné par deux autres questions. «Et donc je ne sais pas encore si les milles que tu récoltes sont les mêmes que ceux des compagnies aériennes, mais je sens que la prochaine livraison du blog va m’éclairer et aussi me dire ce que rapporte le cap des 25000.». Ces questions me conduisent à apporter une autre précision à la définition du mot Aéroplan :

Aéroplan. 3. Les milles du programme Aéroplan peuvent, comme lors de la création par Air Canada, être troqués contre les billets d’avion  et une large panoplie de récompenses. Le taux de change des milles et des primes  varie selon des critères mystérieux et dans des proportions spectaculaires.  Mystère : vérité révélée que l’on ne peut pas comprendre. Le petit cathéchiste catholique.

Ces ajouts sont la synthèse des réponses aux deux nouvelles questions de Marco.

Question 1 : Les milles que tu récoltes dans les bacs verts sont-ils les mêmes que ceux des compagnies aériennes?

Réponse : OUI,  les milles sur les contenants de jus et les boîtes de céréales sont les mêmes que ceux des compagnies aériennes et peuvent être utilisés pour prendre des avions. Mais, comme je l’expliquais également dans l’introduction au mot Aéroplan, ils peuvent également être accumulés et dépensés chez les partenaires de cette société désormais inscrite en Bourse, comme des chaînes hôtelières, des pétrolières, des pharmacies, etc. Les milles Aéroplan donnent aussi accès à des échanges contre des Ipod, des valises, des verres fumées, etc. Le nombre de milles exigé en échange est parfois proprement stupéfiant, comme je l’ai démontré en donnant l’exemple des 10 000 milles requis pour obtenir un livre de recettes de Gordon Ramsay.

Dans mon cas, mon premier outil d’accumulation de milles Aéroplan est ma carte de crédit. J’obtiens un mille par dollar dépensé. Et ces milles sont multipliés si je fais un achat chez un partenaire Aéroplan en m’assurant qu’il enregistrera mon achat avec ma carte Aéroplan en plus. Exemple : si je paie un achat de 4,99$ pour huit rouleaux d’essuie-tout dans une pharmacie Uniprix avec ma carte de crédit, j’accumulerai 5 milles. Si je présence à la caissière ma carte Aéroplan, cet achat me vaudra 1 mille de plus (le taux de change est de 1 mille par trois dollars chez Uniprix). Donc, 4 milles de plus et huit rouleaux d’essuie-tout. Deux commentaires à cette étape-ci. C’est ridicule quand on sait qu’il faut 10 000 milles pour se procurer un livre de recettes! Je crois humblement que mon accumulation de près de 10 000 milles  Aéroplan grâce à mes rondes de bacs verts – sans acheter un seul contenant de jus ou boîte de céréales, est un merveilleux pied-de-nez à ce programme.

Deuxième question :«Peux-tu me dire ce que rapporte le cap des 25 000 milles?»

La réponse mérite plusieurs nuances. En principe, elle permet d’accéder à un vol aller-retour Montréal/Saint.John’s, Terre-Neuve. Si on en croit les informations d’Aéroplan dans son site, on peut même aller du Québec à Terre-Neuve aller-retour pour 15 000 milles, gratuitement, pouvons-nous légitimement croire. N’est-ce pas merveilleux! En pratique, c’est beaucoup plus compliqué que ça, comme le démontre les deux exemples qui suivent.

Exemple 1 : Vol aller-retour entre Montréal et Saint.John’s, Terre-Neuve. Départ le 27 mars, retour le 3 avril 2009.

Minimum requis : 24 000 milles Aéroplan. Les mêmes jours, exactement les mêmes jours, Aéroplan offre aussi des places sur des avions d’Air Canada en échangeant 35 000 pour chaque trajet.  Pour aller célébrer, sur place, le 60e anniversaire d’entrée de Terre-Neuve dans la Confédération canadienne, en prenant l’avion les mêmes jours, le nombre de milles exigés peuvent varier de 24 000 milles à 70 000 milles! À ces milles, il faut ajouter une cinquantaine de dollars de taxes aéroportuaires.

À noter : une recherche effectué à l’aide du moteur de recherche Kayak, qui affiche les prix des billets d’avion les moins chers, j’ai découvert que je pouvais prendre un vol régulier d’Air Canada pour aller et revenir de Terre-Neuve, ces mêmes jours, pour 497.$, taxes incluses.

Exemple 2 : Vol aller-retour entre Montréal et Saint.John’s, Terre-Neuve. Départ le 19 avril. Retour le 27 avril 2009.

Le 19 avril, aucune place Aéroplan n’est disponible, on nous propose une place le lendemain, pour 52 000 milles, sur un vol direct. Le même jour, on nous offre aussi une place contre 60 000 milles, cette fois, avec un arrêt à Halifax! Vous avez bien lu : il faut plus de milles pour prendre un vol avec correspondance en Nouvelle-Écosse que pour filer directement vers Saint-John’s! Il y en a pour tous, avec ce programme, y compris pour les masochistes. Pour le retour, le 27 avril, plusieurs choix de places sont disponibles, au taux de change variant entre 12 000 milles et 33 milles. En résumé, le montant minimum exigé pour ce trajet est de 64 000 milles.

Le moteur de recherche Kayak affiche par ailleurs un vol régulier aller-retour, départ le 19, tel que souhaité, et retour le 27, pour 614.$ avec taxes.

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Morale : pour décider Cé quand cé qu’on sen va où grâce aux milles Aéroplan, il faut être concentré, astucieux, et, de préférence, avoir des horaires très flexibles. Et surtout, ne pas mettre tous les oeufs dans le panier de cette invention des experts en marketing pour voyager.

PS. Pour ton information Marco, le site Aéroplan nous informe qu’il est possible de faire le trajet Montréal-Bruxelles aller-retour pour aussi peu que 60 000 milles.  Je n’ai pas pris le temps de vérifier combien il en faudrait, dans les faits, pour atterrir dans ta ville. Je vois déjà des exigences d’un quart de million de milles… Par contre, j’ai vu, par Kayak,  des billets en vente sur des vols réguliers pour aussi peu que 737.$, taxes incluses, en avril prochain.




Conte urbain 2008 – Tours du monde autour d’un quadrilatère

Préambule sous forme de rappel…

Depuis le début d’avril, je ramasse patiemment, régulièrement, systématiquement et de plus en plus passionnément, les milles Aéroplan dans les bacs de recyclage d’un minuscule quadrilatère d’un tout petit quartier de Montréal, le Vieux-Rosemont.  Sur trois trottoirs, du nord au sud, et autant d’est en ouest, une fois par semaine – le mardi – j’ai ajouté à ma banque de rêve vers ailleurs 1 500 milles Aéroplan laissés à la rue par des buveurs de jus Tropicana et des mangeurs de barres tendre et de gruau Quaker. (…) La promotion Tropicana se termine le 31 décembre. Mon aventure de chercheuse de milles dans les bacs verts tire à sa fin.
Extrait du conte urbain 2007. Coming out, « Je fais les bacs verts ». (l’intégrale est disponible dans la catégorie contes urbains).

À mon plus grand ravissement, la promotion Tropicana s’est poursuivie en 2008.

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Coming out, la suite

Max et Tan, mes précieux complices Tropicana

Max et Tan, mes précieux complices Tropicana

Le 12 décembre 2008, après l’entrée d’un code de barres tendres  dans ma page personnelle du site Internet http://www.stationdejeuner.ca, j’ai éprouvé un intense sentiment d’accomplissement. Depuis avril 2007, j’avais réussi à accumuler 8000 milles Aéroplan grâce à mes fouilles dans les bacs verts du Vieux-Rosemont. Enfin presque. Car j’ai aussi récolté, à la faveur de mes visites au parc canin d’Outremont, quelques dizaines de milles dans des bacs verts de cet arrondissement, où, selon mes observations, les acheteurs de jus de marque surpassent en concentration ceux du Vieux-Rosemont. J’ai surtout pu compter sur la complicité du clan de Tan, mon dépanneur de bière et de philosophie, pour allonger les résultats de ma quête.

«Qu’est-ce que tu peux obtenir avec ça ? », m’avait demandé Tan en juillet dernier.

– Même pas un toaster, mais beaucoup de plaisir. Et aussi des ajouts à ma vraie banque de milles qui grossit à chaque achat payé avec ma carte de crédit.

Tan a ri. Il a des rires délicieux. Mais je voyais bien qu’il ne comprenait toujours pas. C’est quand je lui ai expliqué que ces fameux milles m’avaient permis de voyager au Costa Rica, au Nevada, à Terre-Neuve et à Chicago qu’il a décidé d’enrichir ma banque. Depuis, j’ai fait le court trajet entre son petit commerce au coin de ma rue et ma maison avec cinq sacs verts débordant de contenants de jus Tropicana sans pulpe.

«Où vas-tu aller avec tes 8000 milles», m’a-t-il demandé la semaine dernière.

Nulle part Tan. Nulle part. Il faut au moins 15 000 milles pour aller à Québec en avion. Mais ce n’est pas grave. J’ai fait tellement de tours du monde en ramassant ces 8000 milles.

Tan en pose et en pause

Tan en pose et en pause

Tan a souri. Tan a des sourires délicieux.

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Au fil de mes mois de rondes matinales les jours de  collectes sélectives, j’ai guéri avec succès mon Syndrome de l’imposteur. Je suis maintenant membre à part entière de la confrérie des glaneurs et des glaneuses du Vieux-Rosemont.

Roger, le détenteur incontesté du  monopole de la récupération des bouteilles de bière en verre, me salue avec respect. J’ai appris son véritable nom depuis l’an dernier mais j’ai décidé de l’oublier. Roger lui va très bien. Marcel (?) est un autre régulier dont je ne suis pas parvenue, malgré des efforts soutenus, à identifier le créneau, me jette des regards furtifs sans cependant craindre ma concurrence. Les autres piliers circulent à vélo. Je les fuis avec prudence, de peur que mon chien les confonde avec les livreurs de circulaires et les facteurs, contre lesquels il affiche une haine ouverte en grondant.

Depuis quelques mois, un nouveau visage s’est parfois ajouté à cette faune pionnière. Martin? Mathieu? Stéphane? J’hésite à le baptiser mais ces prénoms pourraient convenir. Il habite sur le Plateau, se déplace à vélo et il cherche des petits objets décoratifs de bon goût. Il fait partie de la légion grandissante des ex-salariés qui se présentent maintenant comme des travailleurs autonomes. Un statut qui a l’immense avantage de donner de la dignité à de vaines recherches d’emploi et de justifier la fouille des bacs verts par un vague projet de recherche en  anthropologie urbaine. Comment pourrais-je lui reprocher sa parade?

Martin, Mathieu, Stéphane (qu’importe) et moi avons fait connaissance dans une mine d’or de la rue Lafond, entre Masson et Laurier. Il a mis dans son sac à dos des tasses en parfait état, une lampe de chevet et quelques ustensiles de cuisine en inox. J’ai demandé et obtenu son autorisation – c’est la loi chez les récupérateurs de la rue : le magot était le sien puisqu’il était arrivé le premier – pour remplir mon sac de plusieurs ouvrages de Marx et d’Engels, des Dossiers de Québec-Presse et des numéros 8 et 14 des Cahiers du socialisme et de Pour Montréal, de Jean Doré.

Qui étaient les propriétaires du condo d’en face qui, à la faveur d’un déménagement, avaient décidé de jeter à la rue les débuts de leur âge adulte et un certain passé de  gauche, en lectures sinon en actions?  J’ai préféré m’abstenir d’enquêter et j’ai placé mes trouvailles dans ma bibliothèque, en me disant qu’en ces jours sombres pour notre «système», pour notre Ville et pour l’indépendance journalistique, il pourrait être intéressant de les relire… Moins pour reprendre le suivi servile des Cinq grands que pour s’inspirer d’une époque au cours de laquelle il y avait des idées et de tentatives collectives de changer le monde.

Car notre monde en a bien besoin.

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Après quelques mois de rondes de quadrilatères, j’ai cessé de faire le décompte des énormes téléviseurs de modèles relativement récents laissés en pâture sur les trottoirs. Il fallait plus mince, plus grand, plus techno. Et au diable la dépense effectuée avec des cartes de crédits de grandes chaînes et leurs taux d’intérêt usuriers!

J’ai vu des dizaines de divans sans aucune fibre éraflée par des chats, aux coussins fermes sur lesquels aucun enfant n’a jamais sauté. J’ai regretté très souvent ne pas posséder une fourgonnette. J’aurais remplacé quelques pièces de rangement de vêtements dont, un jour, par un ensemble complet de mobilier de chambre en bois de style scandinave des années 1960. Les bibliothèques? Bien sûr, énormément de mélamine blanche mais aussi, de magnifiques exemplaires en bois auxquels un petit coup de vernis aurait redonné leur classe d’origine.

À pied, et à la maigre force de mes bras, j’ai cependant recueilli une cinquantaine de paquets de papier photographique 8 par 10 dans leur emballage d’origine. En prime, leur donneur acheteur avait laissé deux imprimantes, sans doute remplacées pour cause d’encre épuisée. C’est tellement moins cher d’en acheter des neuves.

La trousseau de ma fille s’est par ailleurs enrichi d’un ensemble d’assiettes, de bols à céréales et de tasses blanches au design assez intéressant. Ses boîtes d’avoirs pour l’avenir contiennent aussi des casseroles de céramique blanche dotées de couvercles transparents.

J’ai refilé à une amie une jolie lampe torchère momentanément inutilisable parce que le métal d’une ampoule y était restée coincée. J’ai remplacé trois chaises de parterre en plastique par autant de sièges identiques en bois trouvées en cinq semaines dans des ruelles différentes, à quelques pas de marche de chez moi. Légèreté oblige, j’ai abandonné à d’autres glaneurs plusieurs grands pots de terre cuite mais j’ai ramassé avec bonheur plusieurs petits jolis cache-pots pour mes plantes.

Plus les nouvelles de crack boursier et de crise du crédit se faisaient bruyantes, plus je me disais que mes récoltes seraient minces. Erreur. Je crois même pouvoir prédire sans me tromper que les derniers jours de 2008 et les débuts de 2009 seront fertiles en richesses jetées à la rue. Dehors, au froid et à la merci des intempéries, je parie que j’apercevrai de vieilles consoles de jeu, des ordinateurs portables jugés trop lourds, d’autres téléviseurs et des montagnes de jouets et de vêtements pour enfants offerts aux passants parce qu’il n’y en aura pas d’autre, après la venue d’un Divin Enfant.

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Avec la multiplication des milles de mes achats systématiques chez Esso et Uniprix (partenaires Aéroplan, est-ce nécessaire de le préciser?), de mes paiements de presque tout avec ma carte de crédit à un mille boni pour un dollar ainsi que de mes entrées régulières de  Tropicana, j’en suis maintenant à me demander comment je vais utiliser les quelque 65 000 milles de ma banque centrale Aéroplan.

«Où vas-tu aller avec tes 65 000 milles», m’a demandé Tan la semaine dernière.

– Probablement dans le désert de la Vallée de la mort, en Californie. Ce serait même chouette d’y être le 20 janvier, quand Barak Obama deviendra officiellement le président des Etats-Unis d’Amérique.

– Pourquoi le désert?

death-valleyblogue

Parce que c’est magnifique de voir les couleurs changer avec les mouvements de la terre qui semblent faire bouger le soleil et la lune. Parce qu’il n’y a rien à acheter, rien à vendre. Et aussi pour le silence, Tan. Enfin presque.

Parce que dans l’oasis de la Vallée de Panamint, une zone de la Vallée de la mort où j’ai trouvé mon repère, il passe parfois des F-15 et des F-16. La Vallée de Panamint, Tan, est ce qui ressemble le plus à l’Afghanistan. Le gardien du camping du Panamint Spring Resort, où je veux retourner en 2009, s’est un jour fait réveiller par le bruit terrible d’un de ces engins.  Il a cru que c’était la fin du monde. Le pilote, qui avait vu son air horrifié tellement il était près, a fait demi-tour et est revenu le saluer en faisant osciller les ailes de son avion.

– Tu n’as pas peur d’aller là-bas?

– Non, je me sens en sécurité dans la Vallée de la mort. Mais j’aurai très peur de ce qui pourrait arriver dans le monde, le 20 janvier 2009. Au Panamint Spring Resort, je passerai cette journée en paix. Il n’y a ni téléviseur, ni radio, ni téléphone. Seulement un lien Internet haute vitesse grâce au satellite situé juste au-dessus de l’oasis. Où serait-ce plutôt à quelques milles de là, pour alimenter la base militaire d’où décollent les F-15 et les F-16? Si je les entends le 20 janvier, en pleine clarté, alors là, Tan, je vais avoir très peur.

Jacinthe Tremblay

Montréal, le 17 décembre 2008.