Moulin à paroles : 24 heures moins 12 minutes

L’événement Moulin à paroles a pris fin hier, le dimanche 14 septembre 2009. La foule a entonné – ai-je lu dans Le Devoir -, À la Claire fontaine puis, Gens du pays, de Gilles Vigneault.  Nous avions quitté les Plaines. Il fallait bien manger de la nourriture terrestre, après ces heures de grand festin pour l’âme.

Pendant deux semaines – et sans doute dans les prochains jours à la UNE des médias électroniques et en manchette à l’électronique, on parlera de ces douze minutes pendant lesquelles Luc Mervil a occupé la scène en proposant une lecture forte d’un texte qui a fait couler trop de sang, d’abord, et et d’encre plus récemment.

Avant, juste avant, Paul Ahmarani avait dit et chanté à capella la magnifique Suzanne, du grand poète montréalais Leonard Cohen. En anglais. Et entouré des frissons d’émotion des milliers de personnes qui, depuis plusieurs heures, s’imprégnaient de grands textes et de mémoire. Suzanne, c’est aussi partie prenante de ce nous sommes.  Après, juste après, Jean Barbe a lu avec une sobriété remarquable la Lettre de Pierre Laporte à Bourassa pendant sa captivité en octobre 1970. Avant sa mort. La foule que j’ai senti n’a pas reçu ce texte comme une accusation contre l’ancien premier ministre libéral. J’ai eu le sentiment qu’elle voyait défiler bien d’autres otages depuis – en Irak, en Iran, en Colombie… – s’interrogeant sur la juste conduite à adopter par les gardiens de l’État dans de telles circonstances.

Et avant les douze minutes ( Luc Mervil est monté sur scène deux fois, six minutes à chaque fois), longtemps avant, et après, longtemps après, le Moulin à paroles a donné la voix à 153 textes, d’un Extrait de la Flore Laurentienne du Frère Marie-Victorin, lu par Pierre Morency à Oh when de saints, un texte créé pour l’occasion par le poète André Ricard et lu par son fils Sébastien.

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Avant mon départ pour Québec, j’écrivais y aller pour « écouter, je l’espère, des textes qui permettront de comprendre  d’où nous venons et ce que nous sommes devenus – dans ce cas ci les Québécois -,  avant et après le Manifeste du FLQ. Les quelques minutes annoncées de lecture de ce texte ont, depuis deux semaines, occupé tellement d’espace médiatique, à l’écrit et à l’électronique, que le risque est grand que le sens – et les travers –  de cet événement se perdent dans les Une et les manchettes qui suivront.».

Je m’inquiétais inutilement. Le sens de cet événement n’a pas échappé aux milliers de personnes venus écouter en silence, et avec une attention remarquable, quelques minutes ou les 24 heures du moulin et les milliers d’autres qui ont suivi leur diffusion intégrale à l’antenne de Vox.  Ce que les médias en retiendrons pendant les prochaines heures importe peu. D’autres nouvelles feront taire le Moulin à paroles. Mais je parie que fondamentalement, ce Moulin à paroles  restera dans la Mémoire longtemps.