Chasseurs de primes à l’affût
article publié en novembre 2003 dans La Presse Affaires.
Est-ce l’approche des Fêtes? Plusieurs commerçants offrent des cadeaux ces jours-ci. GRATUIT! dit la publicité en montrant des photos de pneus d’hiver, de cellulaires ou des produits de beauté. Faut-il croire au père Noël pour craquer pour les primes ?
Par Jacinthe Tremblay
La vendeuse de Lancôme du magasin La Baie des Galeries d’Anjou regarde avec résignation les clientes qui s’arrêtent en grand nombre au comptoir voisin. Le sien est désert. «C’est normal, c’est la période des primes chez Estée Lauder», dit-elle. À l’achat d’une vingtaine de dollars de produits à prix courant, les clientes reçoivent six ou sept produits de beauté dans un petit sac de maquillage. «Il y a deux genres de clientes: les fidèles et les madame Prime», ajoute la vendeuse de Lancôme, qui distribue la marque Esthée Lauder.
L’industrie des cosmétiques a fait de l’offre promotionnelle avec prime son premier mode de marketing. Cette approche est aussi très fréquente dans la presse écrite, les commerces de matériel électronique ou informatique, chez les pétrolières et les fournisseurs de cellulaires, dans le vêtement et l’alimentation. «Certains fabricants préfèrent la prime au solde parce qu’ils considèrent que les rabais affaiblissent leur image de marque», explique Alain d’Astous, directeur de l’enseignement du marketing aux HEC.
Prime et fidélité
Il a étudié les impacts de diverses formules d’offres promotionnelles avec primes sur les consommateurs. «Celles qui sont les plus appréciées réunissent les conditions suivantes: la prime est donnée au moment de l’achat; sa valeur est mentionnée; et elle est liée directement au produit initial», dit-il. Lorsque les commerçants offrent une prime, ils cherchent à préserver la fidélité des clients habituels et à gagner de nouveaux adeptes. Il peut s’agir d’un vrai cadeau, mais le geste n’est jamais désintéressé.
Comparer, calculer
La guerre de tranchées des fournisseurs de téléphones cellulaires a donné naissance à une nouvelle version de la prime: le cadeau, c’est le téléphone. Éric Bernatchez, spécialiste en cellulaires pour le réseau About.com, recommande la plus grande prudence. Son premier conseil, s’enquérir des caractéristiques de base de l’appareil, comme la durée de vie de la pile et de la qualité sonore. «Il faut aussi vérifier si les forfaits les plus avantageux d’utilisation du temps d’antenne du fournisseur sont disponibles avec cet appareil. Ce n’est pas toujours le cas», note-t-il.
Mais le plus grand piège est ailleurs. «Prendre possession d’un cellulaire, c’est s’engager dans un minimariage. L’appareil ne fonctionne que s’il est activé par le fournisseur qui a offert l’appareil. Et ce dernier exige généralement la signature d’un contrat d’un an ou deux», explique le spécialiste. Ce lien dépasse largement la durée du premier contrat, puisque le numéro de téléphone n’est pas transférable d’un fournisseur à l’autre. Selon Éric Bernatchez, avant de dire oui à un tel cadeau, il faut prendre en compte tous les éléments de la facture, à moyen terme. «Ces offres peuvent malgré tout être intéressantes, particulièrement pour les consommateurs qui ne recherchent qu’un appareil pour loger et recevoir des appels», estime-t-il.
Les chasseurs de primes avertis comparent et calculent. Sophie, une madame Prime de cosmétiques, n’est pas dupe. «Il n’y a généralement aucun produit à vendre au prix minimum exigé pour recevoir la prime, dit-elle. Il faut toujours débourser six ou huit dollars de plus. Mais si j’achetais mes crèmes à un autre moment, je paierais le même montant puisque les fabricants de cosmétiques ne font jamais de soldes. Aussi bien profiter des primes», dit-elle.
C’est le même raisonnement qui a poussé Linda à adopter temporairement une nouvelle marque de céréales. «Mon fils consomme céréales et cinéma en quantité industrielle, explique-t-elle. Je rentabilise sa gloutonnerie!».
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GRATUIT avec achat
Voici quelques exemples d’offres promotionnelles avec prime proposées ces jours-ci par un marchand près de chez vous.
COUTELLERIE DE 84 PIÈCES… avec achat d’un mobilier de salle à manger de 1899 $ et plus.
QUATRE DISQUES VIERGES POUR DVD… avec achat d’un caméscope de 1299 $ et plus.
UN TÉLÉPHONE CELLULAIRE… avec la signature d’un contrat de deux ans.
UNE TASSE… à l’achat d’un entretien préventif pour l’auto.
UN SAC À SKI… à l’achat d’une paire de skis de fond.
UNE TROUSSE DE BEAUTÉ DE HUIT ARTICLES… à l’achat de 35 $ ou plus de produits.
Un coupon-rabais de 5 $ pour le cinéma… à l’achat d’une boîte de céréales.
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CINQ QUESTIONS SUR LES PRIMES
1 – Est-ce que j’ai besoin du produit offert avec la prime ?
C’est comme une évidence… qu’oublient souvent les acheteurs compulsifs.
2 – Est-ce que j’ai besoin du produit offert avec la prime, maintenant ?
Un des pièges des primes est de susciter un attrait tel qu’il peut même amener le consommateur à devancer un achat.
3 – Est-ce que je peux trouver le même produit ou un produit comparable à meilleur prix ?
Les articles avec prime sont généralement vendus à prix régulier. Ils sont peut-être en solde chez un concurrent ou seront à meilleur prix dans quelques semaines chez le commerçant qui offre présentement la prime.
4 – Est-ce que j’ai besoin de l’article offert en prime ?
Plusieurs objets offerts en prime, bien qu’attrayants, ne sont d’aucune utilité!
5 – Est-ce que j’aurais pris un tel engagement sans recevoir de cadeau ?
Lorsque le cadeau est assorti de la signature d’un contrat, il faut bien en lire toutes les clauses. Les frais d’annulation peuvent être de loin supérieurs à la valeur du cadeau.
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