EXCLUSIF : Échange avec Henry Mintzberg sur la planification stratégique et les origines du mot management

Les visiteurs attentifs de ce carnet auront compris que je vis depuis quelque mois à Terre-Neuve et que je suis quelque chose comme une « manager » de niveau, disons, « cadre intermédiaire ». Peu de temps après mon entrée en poste, j’écrivais par courriel à HM ce rapport :

Bonjour Henry,

1- Le gouvernement fédéral a financé un exercice de planification stratégique – 30 000.$ – à « mon » OSBL
2- « Mon » OSBL n’a aucun (ZÉRO) budget de fonctionnement!!!!! – Le gouvernement fédéral ne finance par le fonctionnement des OSBL
3- Une des conclusions de l’exercice de planification stratégique est que mon OSBL doit avoir un financement pour son fonctionnement
4- Comme mon OSBL n’a aucun budget de fonctionnement (seulement de projets) – et que les subventionneurs de projets ne financent pas de salaires.
5- Ma première idée, comme « manager », a été de me congédier.
6- Ma deuxième, comme « manager », a été de me transformer en « femme de ménage » (y en a qui appellent ça la réingénierie des processus).

Pour le reste, tout va bien pour moi on The Rock*!

All the best

J.

* Les visiteurs attentifs de ce carnet savent que Terre-Neuve a comme nickname The Rock – et toutes les photos de Terre-Neuve dans ce carnet en font la preuve.

***

Réponse de HM.

Mais tu sais, J, que le mot management vient du francais, premièrement de diriger des chevaux (par “main”) et deuxièemement de faire le ménage de la maison.

So—happy managing!!

H

***

PS. Aujourd’hui, j’ai fait – au sens propre – du ménage dans des locaux d’un studio de radio à St.Johns. Et lundi, je ferai – au sens propre – du ménage dans les locaux d’un studio de radio à Labrador City. « So-happy managing » disait HM.

Un an et quelques jours plus tard, le voyage continue

Attention : billet avec des (trop) d’hyperliens.

Le 25 septembre 2010, j’annonçais dans ce carnet le début du voyage de mon livre Entretiens avec Henry Mintzberg. Depuis, j’ai parlé de quelques lancements. Sur la rue Masson, d’abord. Ensuite au Congrès mondial RH, à Montréal. Et puis à Sayabec, mon village natal. Et quelques billets, après. Et puis des silences. Et quelques billets, dont le plus récent annonçait que les Entretiens avec HM étaient au coeur d’un club de lecture dont la Lectrice était Suzanne Colpron, présidente et cofondatrice des Boulangeries Première Moisson.

Bilan du voyage ? C’est selon l’angle de la question.

$$$. J’ai fait mes frais, et plus encore.

Ventes? À ce jour, énormément moins qu’un Arlequin, et énormément plus qu’un livre de poésie à compte d’auteur.

Couverture de presse? Énormément plus que ce que n’importe quel cabinet de relations publiques aurait pu générer avec un budget de 50 000.$ – voir le billet Revue de presse )

Et puis quoi?

Et surtout, dirais-je.

Des rencontres avec des gens merveilleux qui, sur le terrain, essaient de vivre ou vivent le communautéship.
Des témoignages de quête heureuse d’une autre façon de voir et de vivre les organisations.
Des récits de gens qui explorent de nouvelles approches.
Des appels de gens qui se reconnaissent dans les propos de HM.
Des courriels de gens qui me disent que la lecture de ce livre leur a fait du bien.

Et moi?

Je suis, depuis quelques mois, une « manager ».

Quand j’ai appris la nouvelle à HM, au téléphone, il m’a dit, en rigolant, amicalement : « Mais, tu ne connais rien là-dedans!».

Je lui ai demandé, quelques semaines plus tard, par courriel : « Henry, dans quelle page de tes livres tu expliques comment se démerder quand on est dans la merde? ».

Il m’a répondu derechef, par courriel : « Aucune en particulier et toutes en général. Mon conseil : Friendly consulting… et courage. »

Et encore?

La première édition de Entretiens avec Henry Mintzberg – et ses trois réimpressions – est à quelques dizaines d’exemplaires épuisée.

Réimprimer la première édition ou en contacter une deuxième, revue et « bonifiée » : voilà maintenant la question.

—-

Billet rédigé à Saint-Jean de Terre-Neuve (le voyage continue)

Découvertes sur la route des Entretiens avec Henry Mintzberg

Mon silence de plusieurs semaines dans ce carnet a inquiété quelques amis. Certains en sont venus à penser – sans oser me le dire – que je vivais engloutie sous des dizaines de boîtes d’exemplaires invendus des Entretiens avec Henry Mintzberg. Ce n’est pas le cas! J’étais plutôt très occupée à gagner ma vie – autrement – et aussi à suivre le parcours du livre, c’est-à-dire à ré-alimenter « mes libraires » et à répondre à de nouvelles demandes de diffusion. Car c’est ainsi que s’est développé et continue de se développer le réseau de distribution de ce livre : à quelques exceptions près, il s’est retrouvé sur les rayons des librairies, des coopératives universitaires et de boutiques associatives à cause de demandes de leurs clients.

Mon choix de l’auto-distribution était certainement le pari de plus risqué de cette aventure. Il est aussi beaucoup plus exigeant que l’auto-édition. Dans ce cas, il était relativement facile pour moi de soumettre mes textes à des lecteurs avertis avant publication; de trouver des collaborateurs de grand talent au graphisme, aux photos et aux illustrations; de dénicher un imprimeur… Mais pour la distribution, je m’aventurais dans un terrain inconnu : le merveilleux monde des libraires. Et ce que j’y apprends m’étonne encore.

Les libraires sont un peu détectives

Je n’ai pas rendu la vie facile aux libraires. À quelques exceptions près – les librairies Paulines, rue Masson et Raffin, rue Saint-Hubert; les coops universitaires Zone, HEC et UQAM; et la boutique de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et relations industrielles du Québec -, la quasi-totalité des autres points de vente des Entretiens se sont retrouvés dans la section « Acheter le livre » de ce carnet après avoir trouvé mes coordonnées, justement, par ce carnet !

Mais les diffusion des Entretiens ne s’arrête pas là. J’ai aussi mis à la poste des exemplaires des Entretiens réclamés par des libraires indépendants de Gaspé, de Valleyfield, de Roberval, de Saint-Anne de la Pocatière, de Gatineau, de Repentigny, de Rouyn, de Drummondville, de Trois-Rivières, entre autres. La majorité d’entre eux m’ont aussi rejoint par courriel, en découvrant mon adresse sur ce site. Certains ont communiqué avec des libraires amis proposant le livre en ligne pour connaître mes coordonnées. D’autres ont trouvé mon numéro de téléphone dans une base de données gouvernementale dont j’ignorais l’existence et sans doute liée au dépôt légal…

Ces librairies ont effectué ces démarches pour satisfaire une seule personne, malgré comme seule récompense de leurs efforts, un petit revenu de quelques dollars… J’en suis, à chaque fois, estomaquée. Et de plus en plus remplie d’admiration pour ces commerçants du savoir qui, ces jours-ci, doivent se débattre avec les Amazon de ce monde et aussi, avec la concurrence de leur semblable de l’autre côté de la rue.

Les lecteurs sont fidèles à « leur » libraire.

J’ai aussi livré des commandes à des libraires de Montréal et Québec dont les clients auraient pu très facilement trouver le livre ailleurs. De l’autre côté de la rue, justement. Et c’est une autre de mes découvertes dans ce voyage des Entretiens : plusieurs lecteurs sont d’une incroyable fidélité à « leur » libraire, au point d’être prêts à attendre quelques jours pour se mettre le nez dans le bouquin qu’ils désirent. Au point même de le payer un peu plus cher!

Des lecteurs « actifs »…

L’utilisation de ce carnet et, dans une moindre mesure, des réseaux sociaux comme Facebook et Linkedin, pour faire connaître ce livre et son parcours a également permis à des lecteurs de me faire transmettre directement leurs commentaires. Et je dois dire que si je me réjouis, bien sûr, du bel accueil réservé aux Entretiens par mes collègues journalistes, les mots de ces inconnus me comblent encore plus. Ils m’écrivent avoir aimé son caractère accessible mais surtout, ils me disent être réconfortés et inspirés par les propos d’Henry Mintzberg.

Voici des extraits de messages de quelques-uns de ces lecteurs « actifs », qui évoluent tout autant dans l’univers de la gestion, dans le monde associatif que dans le milieu syndical…

« J’ai beaucoup apprécié votre rencontre avec Mintzberg. Il porte un discours rafraîchissant. Je suis particulièrement sensible aux approches qui s’appuient sur des principes bien campés plutôt que sur des recettes. Surtout quand ces principes reflètent une vision humaniste évidente. Évidemment, les techniques existent en gestion comme ailleurs. Mais les réalités humaines sont bien trop subtiles, variables et complexes pour tenir dans des formules. » – Un gestionnaire de la fonction publique à la retraite.

« J’ai lu les Entretiens, je voudrais tellement que les cadres de tous niveaux, de tous secteurs en fassent leur livre de chevet. » – Une syndicaliste.

« Je n’avais pas ouvert les yeux sur l’importance des cadres intermédiaires et leur connaissances du terrain, et là je dois reconnaitre que HM m’a fait penser différemment. (…) Un autre passage que j’ai aimé est celui où il décrit un PDG d’une entreprise de plus de 50000 employés qui salue une de ses secrétaires par son prénom. Et bien j’apprécie car je me retrouve dans ce mode de fonctionnement, et souvent ce n’est accepté par certains dirigeants, un certain « rang hiérarchique » à respecter…. mais être proche, attentionnée, cela ne peut que fidéliser, montrer du respect…non?? C’est simplement humain… » – Une cadre du secteur de la santé, en France.

« Le livre se lit comme une belle histoire où enfin quelqu’un se lève et exprime son mécontentement des façons de gérer, le dit poliment et la balle est maintenant dans le camp des gestionnaires qui se doivent de faire un examen de conscience. Effectivement le leader «genre vedette» est de nos jours recherché. Mais arrêtons de le chercher, il s’agit d’avoir des gens qui donnent un sens à leurs façons de faire et demeurent fidèles à ce sens et il y a un genre d’effet d’entraînement positif qui s’installe. Il faut garder en tête la saine gestion financière, mais quand tout le monde travaille dans le même sens, ça se fait plus doucement. » – Un gestionnaire municipal.

Un outil de « communautéship » ?

J’ai aussi eu la confirmation, tout récemment, que des membres de mêmes organisations s’étaient livrés à la lecture collective des Entretiens ! Comme point de départ d’une réflexion sur leurs propres pratiques, et d’un désir de travailler en « communautéship ». C’est d’autant plus formidable qu’il s’agit, dans un cas, d’une entreprise et, dans l’autre, d’un syndicat. C’est bien une preuve de plus que la gestion n’est pas le propre des « affaires » mais qu’elle concerne tous ceux et celles qui veulent que « les choses se fassent ».

The Saku’s Flying Circus – clin d’oeil à Henry Mintzberg

Pour lire cette saga dans l’ordre, consultez d’abord les billets ayant pour titre, À quelques heures du décollage, Voyager en avion avec un chien : rectificatif , Voyager en avion avec un chien – par évident avec Airca-Nada, Voyager en avion avec un chien : Eureka! Saku reviendra avec moi.  Saku, le chien aérien, redevient urbain. Et enfin :

The Saku’s Flying Circus – clin d’oeil à Henry Mintzberg

Dans les minutes qui ont suivi mes premiers démêlés avec Air Canada et Air Canada Cargo, j’ai écrit le billet Voyager en avion avec un chien – rectificatif qui débutait par le nom Henry Mintzberg. Je reprochais à ce grand penseur du management d’avoir ignoré les tourments des propriétaires de chiens dans son livre The Flying Circus.

J’ai même poussé l’audace jusqu’à prétendre compléter sa charge contre les transporteurs aériens et les aéroports en relatant dans les détails les développements de la saga du retour de mon chien Saku à Montréal, après un périple d’un mois à Terre-Neuve. Je crois que le professeur Mintzberg ne m’en fera pas le reproche. Je parie même qu’il en rigolera. Nous avons, au fil de longs et nombreux entretiens réalisés pour La Presse Affaires, développé une complicité étonnante puisque tissée entre un PHD du MIT détenteur d’une quinzaine de doctorats honoris causae et la drop-out et journaliste pigiste que je suis.

Pendant mes démêlés avec Air Canada et Air Canada Cargo, j’ai bien sûr pensé à son Flying Circus et à l’entrevue sur le transport aérien qu’il m’a accordée et qui a été publiée dans la Presse Affaires sous le titre  Les modes en gestion vues du ciel. De retour à la maison, j’ai consulté The Flying Circus et j’y ai trouvé un passage qui est une admirable synthèse d’une des grandes causes de mes problèmes pour ramener Saku à Montréal. On le trouve au chapitre 15 : Why I really love to hate flying. Le voici :

«So, would you really like to know why I, at least, love to hate flying? (….). It all came oout in a flight over Africa. (…) Such an innocent question, really. During breakfast. On top of dinner. «WOuld you lije the omelet or the poached eggs?», she asked pleasantly. (…) Still, it hits me, right then and there. It’s those categories. Everything is so categorical up there in the sky. Even me. Especially me, like every one else. Up there, I’m not a person. I’m a category.»

LA DÉCISION D’AIR CANADA DE CONFIER LES CHIENS À AIR CANADA CARGO EST UN EXEMPLE DE CE REPROCHE. JUSQU’AU 10 SEPTEMBRE 2009, LES CHIENS PASSENT DE LA CATÉGORIE «BAGGAGES» À LA CATEGORIE «PACKAGES», MÊME S’ILS SONT SUR LE MÊME VOL, DANS LE MÊME AVION. (JT)

À nouveau HM. «Don’t get me wrong. I am not complaining that the airlines treat me like a number. Many never attain that level of individuality. I am a category,called Passenger, worse still, Customer.

Airlines are obsessed with categories. «Jamormarmelade», «jamormarmelade», «jamormarmelade» reciited as an attendant at everyone as she went down the aisle like some sort of dispensing machine. Then, there are those categories for the miles – old, Elite, Chairman’s Preferred )he never met us). (…). Worst of all are all those Management categories. «Adressing flight delays, cancellations and resulting consumer dissatisfaction», a Reuters article (on 23 January 2001, quoting a U.S. Transportation Department report) started happily enough, «will require a multifaceted approach, including new technology, airspace redesign and airport infrastructure enhancements». Why don’t they juste fix the airplanes and airports

Encore HM : THER IS A SPECIAL WORD FOR ORGANIZATIONS OBSESSED WITH CATEGORIES : BUREAUCRACY. BUREAUCRATY IS NOT ABOUT A TAPE THAT IS RED OR PEOPLE THAT SIT ON THEIR BUTS. BUREAUCRACY IS ABOUT CATEGORIES. AIRLINES ARE THE MOST CATEGORIZING ORGANIZATIONS OFF THE FACE OFF THE EARTH.»

Bureaucratie, donc. Et c’est exactement le même diagnostic qu’a formulé mon ami Jim Fidler quand je lui ai raconté mes mésaventures avec Saku, dans l’environnement bruyant et chaleureux du party d’après Newfoundland and Labrador Folk Festival de St.John’s, Terre-Neuve. Nous étions au SHIP, un lieu mythique de la scène musicale de la capitale du Rock. Jim, donc, a résumé ainsi la situation  en anglais, et en français, par ces mots : BUREAUCRAZY et BUREAUCRACHIE.

***

Pendant mes démêlés avec Air Canada et Air Canada Cargo, j’ai aussi repensé à deux autres de mes entrevues avec Henry Mintzberg. Dans la premiere de la série, il dénonçait les Dangers de la productivité.

En voici un extrait (cliquer sur le lien précédent pour lire l’intégrale):

Jacinthe Tremblay : Selon Statistique Canada, le Québec arrive à l’avant-dernier rang parmi les provinces canadiennes pour ses gains de productivité entre 1997 et 2005. Faut-il s’inquiéter?

Henry Mintzberg : Non. Je crois même que c’est une bonne nouvelle. Ça signifie que le Québec n’a pas encore sombré dans la folie qui est en train de tuer les États-Unis.

Jacinthe Tremblay : Que voulez-vous dire?

Henry Mintzberg :  Un article publié en décembre 2005 dans le International Herald Tribune sur la hausse de la productivité aux États-Unis en donnait l’explication suivante en sous-titre: «Les coûts de main-d’oeuvre diminuent et les ventes augmentent.» Voilà le moyen utilisé par les grandes entreprises américaines cotées en Bourse pour atteindre des niveaux records de productivité.

Depuis 2001, la majorité des PDG de ces entreprises poursuivent deux objectifs : maximiser le rendement de l’avoir des actionnaires et encaisser au passage des millions de dollars en options sur ces actions. Pour y parvenir, ils ont licencié des milliers de travailleurs, accru les pressions sur les cadres intermédiaires, affaibli sinon cassé les syndicats, en plus de réduire la qualité des produits et du service à la clientèle.

On détruit les entreprises mais on est incroyablement productifs! Ces gains de productivité sont des pertes. Car une fois les produits écoulés pour gonfler le «stock» et le savoir-faire des travailleurs et des cadres disparu, ces entreprises risquent de se retrouver sans «stock».- fin de l’extrait de l’entrevue.

À FORCE DE RÉDUIRE LA GROSSEUR DES SACS DE CHIPS SUR SES VOLS, DE RATIONNER LES VERRES D’EAU ET D’EXIGER 3$ DE PLUS POUR QUELQUES LIVRES DE BAGAGES DE PLUS, LA DIRECTION D’AIR CANADA CROIT SANS DOUTE HAUSSER SA PRODUCTIVITÉ, MAIS ELLE RISQUE DE SE RETROUVER SANS STOCK, LE STOCK ÉTANT ICI LES PASSAGES, LEURS BAGAGES – QUI RELÈVENT D’UN DÉPARTEMENT DISTINCT – ET LEURS »PACKAGES», QUI EUX, RELÈVENT D’UNE AUTRE ENTITÉ CORPORATIVE QUE LES PASSAGERS ET LES BAGAGES – TOUJOURS POUR LES MÊMES VOLS ET LES MÊMES APPAREILS. JT

***

Pendant mes démêlés avec Air Canada et Air Canada Cargo, j’ai entendu une nouvelle concernant les plans de la direction d’Air Canada pour augmenter sa performance financière. En voici les principaux éléments, publiée dans The Star : «The country’s largest airline (TSX: AC.B) is now aiming for $500 million in annualized cost reductions and revenue enhancements within three years, double the previous target.An internal tactical team will implement more than 100 initiatives to reduce costs by about $400 million, including $50 million this year and $250 million in 2010. Air Canada also plans to increase revenues by $100 million.» – les caractères gras sont de moi.

Quand, après 45 minutes d’attente sur la ligne téléphonique réservée aux passages d’Air Canada, j’ai enfin pu parler à une personne humaine du centre d’appel pour annuler mon billet de retour, j’ai eu la chance d’être accueillie par une agente d’une infinie douceur et compétence, qui m’a confiée, en larmes, son désarroi devant les décisions de la direction d’Air Canada. La veille, ses collègues et elle avaient appris la mise à pied prochaine de 63 des 150 agents du centre d’appel de Montréal. Avec le jeu des déplacements, Montréal devrait se retrouver avec une centaine d’agents cet automne, soit 50 de moins qu’actuellement. EN LARMES, J’INSISTE, la douce agente du centre d’appel m’a confié : «Hier, il y avait 300 personnes en attente sur la ligne téléphonique du centre de Montréal. Et ça, c’est avant les coupures. Certains agents mis à pied seront transférés dans les aéroports.  Hier, à Montréal, il y avait pendant certaines périodes UN agent au comptoir pour servir les passagers de QUATRE avions. Je n’ose pas penser à ce qui se passera après les mises à pied».

En écoutant son témoignage, j’ai encore une fois repensé à mes entrevues avec Henry Mintzberg, à l’une d’entre elles plus précisément, intitulée Les ravages de la macro-gestion. En voici encore une fois des extraits qui me semblent très pertinents pour le cas qui nous concerne.

Jacinthe Tremblay : Revenons aux entreprises. Comment se traduit la macro gestion?

Henry Mintzberg :  Certains PDG, par exemple, décrètent que les ventes devront augmenter de 10%, sans même savoir et comprendre ce qui se passe dans leurs magasins.Et quand les résultats boursiers sont inférieurs aux attentes des actionnaires, avez-vous entendu un seul PDG avouer qu’il n’a pas de stratégie, qu’il ne sait pas comment vendre?

Non. On vire des gens.

C’est l’équivalent de la saignée au Moyen-Âge. Peu importe la maladie, les médecins vidaient les gens de leur sang. Les macro gestionnaires utilisent les coupes de personnel pour toutes les maladies organisationnelles. C’est particulièrement flagrant dans les entreprises de télécommunications. Elles n’ont aucune idée originale pour se distinguer les unes des autres et elles serrent la vis.

Il est grand temps qu’on cesse ces saignées et qu’on demande, comme nos ancêtres: «Docteur, vous n’avez pas une autre solution?» Il existe d’autres traitements pour les entreprises aussi. Pensons à IKEA et à Costco. Ces entreprises ne pratiquent pas la saignée. Elles ont de bons produits. Elles ont des clients. Elles ont des stratégies intéressantes.

Jacinthe TremblaY : Mais la macro gestion n’est-elle pas inévitable dans les grandes entreprises?

Henry Mintzberg : La macro gestion est plus courante dans ces entreprises parce que c’est plus facile pour les PDG de cacher leur manque de connaissances et de compréhension de ce qui se passe derrière les autres niveaux. Il est de plus normal que le degré d’abstraction soit plus élevé lorsqu’on monte dans la hiérarchie. Mais quand on est PDG ou membre de la haute direction, il est essentiel d’aller voir, sur le terrain, et de rencontrer des clients, des ouvriers ou des employés en contact direct avec les citoyens.

Pour éviter les ravages de la macro gestion, il faut reconnaître aussi le rôle clé des personnes qui, dans les organisations, connaissent bien les activités et ont l’oreille de la haute direction. Elles peuvent «chuchoter à l’oreille des dieux» ce qu’elles voient, entendent, sentent et touchent sur le terrain. Konosuka Matsushita, le fondateur de Panasonic, disait «Ce qui me préoccupe, ce sont les grandes et les petites choses. Entre les deux, je délègue».

Il y en a d’autres qui pensent comme ça. En 1999, j’ai observé pendant une journée John Cleghorn, PDG de la Banque Royale, à l’occasion d’un de ses passages à Montréal. C’était avant que je devienne titulaire de la chaire qui porte son nom. Il a visité deux succursales et rencontré des investisseurs institutionnels et des directeurs régionaux. Son style était plutôt inhabituel pour un PDG d’entreprise de plus de 50 000 employés. Il était très préoccupé par le détail des opérations et il avait institué une règle voulant que tous les cadres de direction passent au moins 25% de leur temps avec les clients et les employés de première ligne. Ce jour-là, il a suggéré un changement d’affiche dans une succursale. Dans l’autre, il a salué par son prénom une caissière ayant plusieurs années de service.  Pendant ses rencontres, il a posé des questions mais il a également rappelé les objectifs de la banque et ses valeurs. Pour élaborer ses stratégies, il s’inspirait des initiatives locales pour les intégrer à une vision générale. Cette approche requiert une connaissance détaillée et nuancée de l’organisation.

Une telle connaissance ne fait pas de tout individu un stratège. La stratégie dépend aussi de la capacité à effectuer des synthèses créatives, de passer du conceptuel au concret et vice versa. Mais ce style de gestion m’apparaît comme un préalable pour développer une stratégie. Les macro gestionnaires n’ont pas cette capacité.

Jacinthe Tremblay : Est-il possible d’être mêlé à l’action sans faire de la micro gestion?

Henry Mintzberg : Il faut d’abord cesser de confondre la micro gestion avec l’engagement.

J’ai vu un bel exemple de cette différence lors d’une visite chez Fujitsu, au Japon, en compagnie de participants au programme International Master Program in Practicing Management. Cette formation réunit des cadres de grandes entreprises originaires de plusieurs pays. Un participant employé de Fujitsu était notre guide. En entrant sur son lieu de travail, nous avons constaté qu’il n’y avait aucun séparateur entre son bureau et ceux de sa vingtaine de collègues. Quelques gestionnaires de l’Ouest étaient étonnés. Notre hôte a désigné un homme debout conversant avec un travailleur. «C’est mon patron. Il occupe un de ces bureaux», a-t-il précisé. Une participante, cadre dans une grande banque canadienne, était estomaquée.

«Comment faites-vous pour travailler avec un patron qui regarde par-dessus votre épaule? Qui voit tout et entend tout?» a-t-elle demandé. «Quel est le problème? Il travaille avec nous», a répliqué notre hôte.

Il venait de démontrer qu’un manager peut être mêlé à l’action sans être intrusif.

***

Le 29 mai dernier, le journaliste Richard Dufour, de La Presse, révélait des détails de l’entente contractuelle entre le conseil d’administration d’Air Canada et son nouveau PDG, Colin Rovinescu, un avocat montréalais autrefois à la tête du cabinet Steikman Eliott. «Essentiellement, M. Rovinescu bénéficie d’un gain potentiel de un million de dollars à chaque fois que les actions d’Air Canada s’apprécient de 1$ de plus que le prix d’exercice», résumait Richard Dufour.

Je vous le donne en mille : en retrouvant cet article, j’ai immédiatement pensé à une autre de mes entrevues avec Mintzberg, Le recrutement des PDG.

Et en voici – encore – un extrait :

Jacinthe Tremblay : Plusieurs entreprises privées et publiques incluent des primes de départ dans les contrats de leurs PDG. Qu’en pensez-vous?

Henry Mintzberg :  À mon avis, les primes de départ négociées à l’avance par les dirigeants de grandes entreprises, tout comme la rémunération basée sur la valeur des actions, sont un fléau tout autant, sinon plus important, que les scandales boursiers des dernières années.

C’est de la corruption légalisée.

Il n’y aucune raison justifiant que celui qui est le mieux payé dans une organisation soit, en plus, le mieux protégé. Parce qu’il prend des risques ? Foutaise ! Tous les employés en prennent. Certains risquent même leur santé et leur vie. Pourquoi n’auraient-ils pas les mêmes protections?

***

Henry Mintzberg, je le précise, n’avait pas en tête un PDG en particulier. Au moment de l’entrevue, Me Rovinescu n’était pas le PDG d’Air Canada. C’est moi qui ose ce lien. Au risque de provoquer une grosse colère de la part de mon ancien interviewé… Mais je persiste et signe : Jacinthe Tremblay.

***

Voici une plogue pour me faire pardonner : Pour savourer la prose et l’humour de Minzberg, the Flyin Circus est un incontournable.


‘;

VOYAGER EN AVION AVEC UN CHIEN _ RECTIFICATIF (intro)

Henry Mintzberg, professeur à l’Université McGill et grand penseur du management,  a commis un jour un petit brûlot délicieux et hilarant sur le transport aérien. Je cite de mémoire son avertissement aux lecteurs : Si vous êtes un gestionnaire qui a acheté ce livre pour avoir des conseils en management, j’en ai un seul à vous donner. Lisez ce livre et faites exactement le contraire de que je décris.».

Dans The Flying Circus, Henry passe en revue, avec son regard vif et plein de bon sens, les absurdités du transport aérien,  depuis l’arrivée des passagers dans les stationnements des aéroports – les stationnements, les carrousels à bagages, les douanes, la bouffe, la tarification – jusqu’aux douanes et à la récupération des bagages.

Mon entrevue avec Mintzberg «Les modes en gestion vues du ciel », parue dans La Presse en juin 2007, est largement inspirée par ce bouquin.

The Flying Circus a une lacune fondamentale, une faille fatale même : ce livre n’aborde pas le traitement réservé aux chiens par les compagnies aériennes. À chacun ses préoccupations. Henry n’a pas de chien. Et Henry ne parle jamais de ce qu’il ne connaît pas ou n’a pas minutieusement et personnellement observé.

Dans le tandem basé sur la confiance et le respect mutuel des expertises de chacun que nous avons constitué pendant plus de 18 mois dans les pages de La Presse, je me croyais donc de bon droit autorisée à me prétendre la spécialiste de cette branche du management du transport aérien qu’est le traitement réservé aux chiens en écrivant un article, paru dans La Presse, intitulé : Voyager en avion avec un chien. Cet article a eu un grand succès auprès des lecteurs de ce journal et de Cyberpresse. Il a même été repris dans un magazine destiné aux techniciens animaliers du Québec et affiché dans quelques salles d’attente de vétérinaires. Je l’ai même, avec une certaine fierté, republié dans ce blogue avant mon départ pour Terre-Neuve.

Saku dans la file d'attente au comptoir d'Air Canada à Dorval, le 24 juillet 2005. Un peu comme dans le film La Haine : jusqu'ici, tout va bien.

Saku dans la file d'attente au comptoir d'Air Canada à Dorval, le 24 juillet 2005. Un peu comme dans le film La Haine : jusqu'ici, tout va bien.

Je l’avoue maintenant : ma connaissance du traitement des chiens par LES compagnies aériennes était superficielle, se limitant à un vol aller-retour Montréal-Las Vegas avec escale à Toronto sur les ailes de Westjet. Tout ce que j’étais autorisée à décrire, c’est donc le traitement réservé à un chien faisant un vol aller-retour Montréal-Las-Vegas avec escale à Toronto sur les ailes de Wesjet. J’ai péché par généralisation. À ma décharge, je dois rappeler que je ne suis ni la première ni la dernière journaliste à commettre ce genre de péché.

Ma pire erreur est d’avoir voulu rassurer tous les propriétaires de chiens désireux de barouder sur la planète avec leur fidèle compagnon en leur résumant l’affaire ainsi :

POUR LES TRANSPORTEURS AÉRIENS, LES CHIENS SONT DES BAGAGES VIP.

La formule est accrocheuse certes, mais il aurait été plus juste d’écrire : LE PERSONNEL DE WESTJET A TRAITÉ MON CHIEN SAKU COMME UN VIP. C’est pas mal moins vendeur, et pour les voyageurs, et pour les médias.

Maintenant libérée de l’obligation de prétendre offrir aux lecteurs des recommandations générales, j’annonce que les prochains billets de ce blogue seront un long rectificatif à mon article Voyager en avion avec un chien.

Pour vous mettre en appétit, je vous annonce qu’au moment où j’écris ces lignes :

SAKU EST CONDAMNÉ À DEVENIR TERRE-NEUVIEN, À MOINS QUE JE DÉCAISSE PLUSIEURS CENTAINES DE DOLLARS… ET ENCORE.

IL N’A COMMIS AUCUN DÉLIT CANIN, PAS L’OMBRE D’UN JAPPEMENT INAPPROPRIÉ OU D’UNE MINUSCULE TENTATIVE DE FUGUE.

ET CE CAUCHEMAR EST L’ŒUVRE D’AIR CANADA.

À suivre…

D’ici là, je cours avec Saku assister sous la pluie battante à l’ouverture du Newfoundland and Labrador Folk Festival. Quelqu’un ou quelqu’une, avec une voix puissante, entonnera à cappella The Ode to Newfoundland.