En route vers le Moulin à paroles, sur le ROCK des Plaines d’Abraham

Je suis de retour sur terre. C’est ainsi que les gens souvent parlent de leur retour à la maison, après un voyage. Pas moi. J’étais sur la Terre. D’autant plus que j’étais sur le Rocher. The ROCK. Des roches à perte de vue. En fait, j’étais et je suis toujours sur la Terre. Profondément consciente du sol sur lequel je marche. Aujourd’hui sur les trottoirs bétonnés du Vieux-Rosemont. Et demain – pour vrai, demain – sur les Plaines d’Abraham. En foulant des pneus de mon auto le bitume de la 20, entre Montréal et Québec et puis, en empruntant le boulevard Champlain, au bord des grandes eaux du Saint-Laurent et des autres…

Quai des flots. Photo : CCNQ Jonathan Robert (tous droits réservés mais disponible sur Flicker...)

Quai des flots. Photo : CCNQ Jonathan Robert (tous droits réservés mais disponible sur Flicker...)

Je n’ai pas vraiment quitté Terre-Neuve, même si j’ai retrouvé avec  bonheur le confort de mon foyer, à Montréal. Et je ne quitterai pas vraiment Rosemont  en allant à Québec pour écouter et pour voir le Moulin à Paroles. Pour écouter, je l’espère, des textes qui permettront de comprendre  d’où nous venons et ce que nous sommes devenus – dans ce cas ci les Québécois -,  avant et après le Manifeste du FLQ. Les quelques minutes annoncées de lecture de ce texte ont, depuis deux semaines, occupé tellement d’espace médiatique, à l’écrit et à l’électronique, que le risque est grand que le sens – et les travers –  de cet événement se perdent dans les Une et les manchettes qui suivront.

On verra si nous vaincrons. Nous? Ceux et celles, d’où qu’ils ou elles soient et vivent – qui cherchent une Terre meilleure, et qui la cherchent  au-delà des chapelles, des idéologies, des fédéralismes et des nationalismes. Cette Terre, c’est, au fond, ma seule destination. À Terre-Neuve, dans la Vallée de la Mort, à Montréal, à Québec et certainement bientôt ailleurs. Ou ici? Nous sommes toujours ici. Et demain, ici, pour moi, ce sera Québec. Je raconterai.

ps. je reviendrai à Terre-Neuve bientôt. Je prépare un festival en différé. « Fiddle, Fiddler, Fidler» et autres F tels Fog, Folk  et Femme. Avant de mettre le cap sur Montréal et ailleurs sur Terre.

Death Valley, Labrador City, deux déserts pour un oiseau

Jacques-Cartier, en 1534, a décrit le Labrador comme la Terre donnée par Dieu à Caïn. Je suis depuis trois jours dans cet univers nordique, peuplé d’épinettes rachitiques, de lacs et de montagnes. Des ours noirs, des caribous, des renards, des lièvres et des orignaux s’y baladent en grand nombre. Je n’en ai vu aucun. Juste un chien triomphant se prenant pour un loup à l’arrière d’un énorme camion.

De la fenêtre de ma chambre du Two Seasons, j’aperçois des bâtiments industriels, d’énormes pylônes électriques, des grues, des pneus gigantesques et… un Mc Donald. Je suis à Labrador City, cette ville qui, comme l’écrivait Michel Rivard dans sa chanson Shefferville, le dernier train, a été «inventée par grosse compagnie, en plein froid, en plein bois et en plein paradis» pour exploiter – dans tous les sens du terme – un des plus importants gisements de fer de la planète, dans les années 1960.

50 ans plus tard, quelque 8 000 personnes y vivent, tous, directement ou indirectement, dépendant pour leur gagne-pain des activités de la minière jadis appelé Iron Ore Company et propriété américaine, achetée il y a quelques années par la britannique Rio Tinto. Ce transfert de patrons n’a pas changé le bruit ambiant de la ville : un ronron incessant de la transformation de roches  en fine poudre argentée qui file ensuite en direction  Sud en train.

«Au Labrador, nous vivons en blanc, en noir et en gris. Pour expliquer les couleurs éclatantes qui vibrent en moi, je dois les peindre dans mes tableaux», m’a expliqué quelques heures après mon arrivée Marie-Josée Bois, une Montréalaise de naissance établie ici depuis bientôt 30 ans.  L’isolement bien réel de ces hommes et de ces femmes du reste de la planète, ils en ont fait leur ami, leur allié. Ils s’abreuvent du silence des lieux, interrompus, sitôt sorti des zones industrielles et résidentielles, uniquement par les bruits du vent et des animaux.

Dès qu’on quitte ses zones urbanisées, le Labrador a des airs de Vallée de la mort. Ici aussi, les couleurs viennent des rochers et du ciel. «En une courte marche dans un sentier, on peut ramasser des pierres qui font toutes les couleurs de l’arc-en-ciel», m’a dit un autre artiste rencontré ici, Hugo Obernia. La nuit, le ciel s’enflamme souvent de rose, de vert et de bleu. Nous sommes au pays des aurores boréales. De ces merveilles comme de la faune sauvage, je n’ai rien vu encore. Et, comme dans la Vallée de la mort, des pilotes d’avions chasseurs F-18 sont venus y tester leurs engins guerriers. Loin des regards et des oreilles des Blancs, toutefois. Mais juste au dessus des têtes des Innus. L’affront était trop grand : les chasseurs ont été chassés. Et peut-être sont-ils parmi les jets qui s’amusent à terrifier les touristes de Death Valley!

Mais c’est la découverte d’une bien curieuse parenté entre ces déserts deux déserts, l’un de neige et l’autre de sable, c’est un oiseau.  Le corbeau règne ici en maître, tout comme il occupe les cieux de la Vallée de la mort. Ils sont tellement gros, ici comme là-bas, qu’on dirait des poules.

Le corbeau, maître des déserts de neige et de sable

Le corbeau, maître des déserts de neige et de sable

Oiseaux de malheur les grands oiseaux noirs? Juste dans les légendes urbaines. Les corbeaux survivent et prolifèrent dans les zones les plus arides et inhospitalières. Les plus inspirantes aussi, pour qui cherche le silence et la sérénité des horizons infinis. J’adore ces lieux.

Il ne faut pas avoir peur des corbeaux, bien au contraire. «Des des légendes autochtones racontent que le corbeau a créé la lumière, le feu et l’eau. Le corbeau symbolise l’intelligence. C’est un animal sacré pour plusieurs cultures. C’est le gardien de la magie , des connaissances ésotériques , du savoir millénaire. Il nous apprend à vaincre nos peurs de l’inconnu aussi bien que les craintes que nous imaginons dans le fond de notre conscience. C’est le guide qui nous transporte directement au monde des esprits pour atteindre rapidement la conscience.», peut-on lire dans les pages consacrées au chamanisme amérindien du site Internet chemainsdelumière.com. tm.

Je ne suis pas prête à attribuer toutes ces vertus aux corbeaux mais je nous reconnais des goûts semblables en matière de paysages.

Labrador City, 3 mai 2009.

Rien n’arrête Cap sur 25 000, même pas Death Valley : 90 milles de plus cette semaine!

Magie? Non. Force de la complicité d’amis , de copains et de connaissances. Ma banque Tropicana frôle maintenant les 9 000 milles. Près de 1 000 milles se sont donc ajoutés depuis le 31 décembre 2008 – jour du lancement de ce carnet. En comparaison, il m’avait fallu plus de six mois, en 2007, pour en amasser autant.  

Depuis mon départ vers le désert,  j’ai reçu, dans mes courriels, des NIP de milles Aéroplan en provenance de collaborateurs spéciaux nés, comme moi, à Sayabec, dans la Vallée de la Matapédia. Yvon, qui vit maintenant à Montréal, en est à son deuxième envoi. Jacqueline, elle,  habite toujours le village et l’anime de multiples manières depuis toujours. Elle est entre autres l’un des piliers de son  journal communautaire, l’Écho sayabécois.  Jacqueline, donc,  a non seulement fait l’inventaire de son garde-manger et de son frigo pour enrichir ma banque de milles mais elle a aussi poussé son soutien à ce projet jusqu’à inviter Nicole, une amie commune de longue date,  à visiter ce site et à me faire parvenir des NIP!

Sur le front montréalais, la communauté a grandi également. Un nouveau collaborateur – dont je tairai le nom pour des raisons évidentes – m’a téléphoné sur son cellulaire alors qu’il faisait ses courses dans un marché d’alimentation dont je tairai aussi le nom. En direct, devant le rayon de jus Tropicana, il m’a refilé quelques NIP. Deux jours plus tôt, il m’avait invité à une activité animée par Lise Cardinal, la championne du réseautage au Québec avec qui j’avais réalisé plusieurs entrevues pendant mes années de collaboration spéciale à La Presse pour la chronique carrière. Je devais parler de mes passions : mon nouveau collaborateur m’a incitée à raconter mes rondes de bacs verts.  Les participants à ce sympathique événement ont semblé apprécier le récit de mes aventures. Après des  exposés sur le droit international et la crise financière  d’autres invités, je leur ai procuré un moment de détente…   

Je les ai bien sûr invité à devenir membre de la communauté Cap sur 25 000 milles mais j’espérais peu de ce message publicitaire. J’avais tort, comme en témoignage ce chouette mot en provenance de Mme Cardinal, il y a quelques jours. «J’obtiens habituellement ma vitamine C en mangeant des oranges – navel free svp – mais tu m’as tellement fait rire avec ta collecte de points que cette semaine, j’ai acheté du jus Tropicana. Voici le code requis».

Je ne soupçonnais pas qu’en plus de contribuer à  développer un nouveau regard sur des contenants de jus, Cap sur 25 000 pouvait en plus modifier des habitudes alimentaires, du moins le temps d’une collaboration spéciale.

Avant de reprendre mes activités désertiques, je  vous laisse sur un extrait d’une chanson apprise pendant mes années de club  4-H  (pour honneur, honnête,  habileté, humanité):

La meilleure façon de marcher, qui doit être la nôtre, c’est de mettre un pied devant l’autre, et de recommencer.  

C’est pour ça que je me dis que 10 milles à la fois, on va y arriver.

– Billet écrit dans une chambre du Bouder Dam Hotel, Nevada, le 22 janvier 2009. Même s’il n’a que 75 ans, ce lieu est reconnu comme un édifice historique car il a accueilli les bâtisseurs de Hoover Dam,  un des chantiers majeurs lancés à l’époque de la grande Dépression pour relancer l’économie américaine.  Une histoire intéressante à se remettre en tête pour quiconque suit l’actualité politique et économique des États-Unis ces jours-ci… Le Musée d’Hoover Dam est situé dans cet hôtel et sa visite est incluse dans le prix de la nuitée. Je vais aller y faire un tour. Ce sera ma deuxième visite, la première remontant à février 2007. Je ne soupçonnais pas alors que ce petit écho musée pouvait apporter un éclairage intéressante sur l’avenir.  Cette fois, je prendrai des notes.

Monument historique à Darwin, Californie

L'obélisque de The MADAM de Darwin, Californie. 20 janvier 2009.

L'obélisque de The MADAM de Darwin, Californie. 20 janvier 2009.

En ce BO Day, je suppose que la terre entière a vu à saciété l’obélisque de Georges Washington, à Wahsinton, le lieu même d’un moment Historique. Désolée de ne pas inclure ici une image de ce monument historique. L’accès internet du Panamint Springs Resort – et les lois de protection des droits d’auteur et du droit à l’image – ne me permettant pas de les montrer ici.

Ceci étant écrit, je m’autorise à vous montrer un monument historique croqué à Darwin en ce jour historique.

L’obélisque du cimetière de Darwin, un village minier de la ruée vers l’or, a été érigé par un amoureux – Bill Jackson, qui repose d’ailleurs en paix, on l’espère pour lui, à ses pieds – de The Madam Nancy Williams. Dans le langage de l’Ouest, une madame est une tenancìère de bordel.

Nancy Williams, si je comprends bien, est née le 13 septembre 1877 et est morte à l’âge de 45 ans, à Darwin.

The Madam  occupe la place la plus en vue du cimetière de Darwin,  un petit village presque fantôme où vivent en 2009 un peu plus de 50 hommes seuls et une postière et ses deux chiens.  Un cimetière qui nous en apprend beaucoup sur l’Histoire des États-Unis et qui nous permet d’espérer qu’Obama gagnera son pari.  Pourquoi ? À suivre sous peu, quand le lien internet sera plus rapide.

Soleil levant à Zabriskie Point, Martin Luther King Day 2009

J’ai vécu le lever du soleil  à Zabriskie Point hier, le 19 janvier 2009, la veille des célébrations de l’arrivée de Barak Obama à la Maison-Blanche. Quand j’ai fermé la télé avant de me diriger à ce rendez-vous, CNN délifait des entrevues de personnalités afro-américaines rappellant l’importance de Martin Luther King – le 19 janvier est sa journée.

Quand je suis arrivée au look-out de Zabriskie Point, j’ai vite constaté que le MLK Day était surtout, pour la trentaine de personnes venues assister au lever du soleil, un jour de congé férié et, une occasion d’utiliser leur caméra numérique. TOUS, sauf moi, regardaient le paysage à travers un objectif.  Certains étaient ouvertement impatients que l’astre du jour tarde à se montrer.  Vite, qu’on en finisse : il me faut rapporter le moment rose des montagnes d’en face. Après cet instant d’ailleurs, l’observatoire s’est pratiquement vidé, laissant aux rares mordus les meilleures places pour l’heure restant des jeux d’ombres et de lumières.  Un lever de soleil à Zabriskie Point, en version intégrale, dure plus de deux heures.

Parmi les irréductibles admirateurs de la totale, il ne restait plus, à la fin, que deux hommes et moi.  Moi, avec mes seuls yeux comme lentilles. Eux,  avec des caméras professionnelles.  Le premier, une Canon Mark II, l’appareil récemment acquis par ma fille Luce et dont les capacités transforment déjà son carnet WEB, La liste d’épicerie.  Il m’intriguait depuis mon arrivée parce que son appareil était dirigé ailleurs que tout le monde, moi y compris dans lesl photos publiées dans mon billet précédent.   Le second  a encore plus suscité ma curiosité. En plus de braquer sa caméra dans la même direction que le premier, l’homme dans la cinquantaine utilisait une Hasselblad argentique.

Hasselblad argentique

Hasselblad argentique

Il était donc, à l’évidence, un pro ou sinon un amateur extrême.

N’écoutant que ma curiosité, j’ai amorcé une conversation.

– Vous êtes photographe?

– Non. Vous êtes Française?

– Non. Je suis Québécoise. Si vous n’êtes pas photographe, vous êtes quand même équipé comme un pro…

– J’enseigne la photographie dans un collège spécialisé en Ontario et je suis venue ici faire quelques expériences. Il y a une longue et passionnante histoire des relations entre la photographie et Zabriskie Point.

– Pouvez-vous m’en parler un peu?

En me prévenant qu’il n’était pas un spécialiste – ce que j’ai pris avec un grain de sel puisqu’il venait de me dire qu’il n’était pas  un photographe (il a précisé commercial par la suite),  il m’a parlé d’Edward Weston ,  présenté par ses héritiers comme le photographe américain le plus influent du 20e siècle.  Il est célèbre, notamment, pour ses nus, si j’en juge les prix demandés pour des imprimés par ses descendants. (plus de 10 000.$).  Dans les années 1930,  Weston a photographié plusieurs sites de l’Ouest américain grâce à une bourse Guggenheim. Il a photographié Death Valley en 1938 et en a tiré une de ses  images les plus connus de Zabriskie Point.

Point Lobos. Zabriskie Point. Edward Weston. 1938

Point Lobos. Zabriskie Point. Edward Weston. 1938

En ce 19 janvier 2009, jour de Martin Luther King, c’est cette image que les deux photographes rencontrés au sommet de Zabriskie Point et qui y étaient venus ensemble  cherchaient à reproduire. Le premier avec sa Canon Mark II et l’autre avec sa Hasselblad argentique.

L’homme à la Hasselblad m’a dit son nom. Si je le retrouve dans Internet, je vous le présenterai. Depuis cette rencontre,  je vois d’un autre oeil des touristes à la caméra. Il y a peut-être un futur Edward Weston qui sommeille en eux. Ou encore un William Henry Jackson. Celui-là est responsable des premières photos de l’Ouest américain, en  1871. C’est en voyant ses images que le Congrès américain a décidé de créer, en 1872, le premier parc national des Éatats-Unis, le fameux Yellowstone de Yogi l’ours.

PS. sur l’heure du lever de soleil. It depends of what you want to see, m’a expliqué très judicieusement Roy, le gardien du camping du Panamint Springs Resort. Le soleil n’est pas une ampoule qu’on met à on ou à off  à  une heure précise, a-t-il ajouté.

J’ai retrouvé hier avec plaisir ce sage homme du désert. Dans une heure, nous partons ensemble vers le village fantôme de Darwin où vivent environ 50 personnes. Nous allons rencontrer la postière, une source intarrissable d’anecdotes, selon Roy. Je verrai alors si la Vallée de Panamint vibre au party Obama. Roy, lui, n’est pas très axcité par ce moment historique. Il attend de voir ce que ça va donner.

Écrit depuis une table ronde installée en  face de ma chambre du Panamint Springs Resort. Clichés à venir de cet univers, de Roy et des traces d’Obama dans le désert.