Il est de ces jours heureux. Qui prennent le temps de nous surprendre tout en nous rappelant qui nous sommes, d’où nous venons. Ce 16 juin 2009 est de ceux-là.
Il a débuté aux aurores, par une confidence dans ma boîte de courriel. Le cyberespace permet les décalages horaires de l’amitié. Il y a eu le café, la lecture en diagonale des journaux – avec un arrêt et une lecture attentive des déboires des médias, de La Presse en particulier, aujourd’hui. Il y a eu la marche du chien et – c’est mardi – les fouinages de bacs verts à la recherche de milles. Peu d’additions aujourd’hui. Il y a eu le démarrage de WORD, pour y consigner des petits portraits de grands artistes terre-neuviens. Et il a eu le départ vers les pourtoirs de l’ancien dépotoir Miron. Pour assister, discrètement, avec mon chien Saku déambulant dans le sentier aménagé autour de cette ancienne plaie urbaine, à l’établissement d’un nouveau record Guiness : celui du plus grand nombre d’échassiers franchissant, au même moment, une distance de 100 mètres.
J’avais le sentiment, en me dirigeant vers le Nord de Montréal, que j’assisterais à un moment d’Histoire. Et de la mienne en même temps. Il y a plus de 25 ans, à Sorel, – j’étais alors enceinte de mon fils qui a 26 ans – j’avais assisté en compagnie de mes neveux, à un spectacle des Échassiers de Baie-Saint-Paul. J’avais reconnu Carmen, une fille de Rimouski avec qui j’avais échangé quelques mots, parfois, à la Coudée – le café du Cégep. J’avais aussi reconnu le beau Paul, un musicien que je connaissais plus comme un ex-serveur de la Grande Passe. Je ne suis pas allée les saluer en coulisses. J’étais trop sonnée et mes neveux voulaient rentrer flatter mon chat. Je suis revenue à la maison avec la certitude d’avoir vu quelque chose de grand et de beau. Je ne soupçonnais pas jusqu’à quel point.
Aujourd’hui, le 16 juin 2009, à New York, Carmen a entraîné des employés du Cirque du Soleil, à Las Vegas, à la conquête du record du monde Guiness du plus grand nombre de personnes en échasses en même temps. Paul était peut-être dans la mémoire de certaines des centaines de personnes rassemblées sur la planète pour célébrer le 25e anniversaire du Cirque du Soleil. Il était dans la mienne. Paul s’est suicidé, dans la jeune trentaine. Gilles Sainte-Croix, lui, est toujours vivant. À Sorel, 26 ans plus tôt, j’avais remarqué son long corps amplifié par les plus hautes échasses de la troupe. Si Guy Laliberté était du spectacle, je n’en ai pas gardé mémoire.
Aujourd’hui, le 16 juin, j’allais voir de loin un moment d’Histoire. Alors que je circulais autour du siège social international du Cirque du Soleil, un ex-collègue – j’y ai travaillé un an il y a 10 ans – m’a reconnue et m’a invitée à le suivre avec mon chien Saku. J’ai vécu le Record Guiness et les 25 ans du Cirque du Soleil de l’intérieur, c’est-à-dire de dehors, sur la butte qui entoure la terrasse du Studio et sur laquelle j’ai si souvent regardé les couchers de soleil sur Montréal. Les plus beaux.

Cirque du soleil, 16 juin 2009, record Guiness du plus grand nombre d'échassiers
D’un ex-collègue à un autre, j’ai été invitée à la bière, puis à la bouffe. Et surtout, à l’amitié et à la complicité. «Tu est membre de la famille», m »ont dit plusieurs personnes à qui je m’excusais un peu de ma présence. Et la famille s’est même prise d’affection pour mon chien urbain. Il a été d’un patience exemplaire pendant les préludes du record Guiness. Il regardait constamment vers le Studio. Je lui ai à plusieurs reprises demandé : Saku, attends-tu quelqu’un? Évidemment, il ne m’a jamais répondu mais vers 16h20, quand l’animateur au micro a annoncé que Guy Laliberté arrivait dans deux minutes et qu’il allait mettre des échasses, Saku s’est retourné en direction du rassemblement des échassiers. Juré, c’est le président-fondateur lui-même que mon chien attendait pour s’intéresser au spectacle.
Et il ne s’en est pas privé!

Saku, le seul chien AU MONDE qui a assisté au record Guiness des échasses au siège social international du Cirque du Soleil, 16 juin 2009, Montréal.
Après de moment Historique, Saku a fait comme tous les humains présents, il a reniflé les bonnes odeurs de bouffe. Paul lui a offert des bouts de pizza, sous les regards attendris d’Hélène. Il s’est déniché tout seul des restes de smoke meat. Jusqu’à ce qu’une merveilleuse jeunes femme vienne lui offrir de l’eau, puis du smoke meat et qu’une autre participante au party lui serve un assiette de frites.

Saku et sa nourricière du Cirque du Soleil, 16 juin 2009, Montréal.
J’ai eu beau protester, rappeler les dangers de dépendance d’une telle orgie de bouffe humaine en un temps record, mes ex-collègues m’ont vertement fait remarquer qu’après tout, «ce n’est pas tous les jours qu’on participe à un party du 25e anniversaire du Cirque du soleil.» C’est vrai pour les humains. Imaginez quand on est… un chien urbain.
PS. Quel rapport entre ce récit et un coucher de soleil? Les ombres du début, annonciatrice d’un coucher de soleil parmi les plus merveilleux à Montréal, avec ceux du Vieux-Port et du Parc Jean-Drapeau (les anciennes îles de l’Exposition universelle de 1967).