C’était écrit dans le ciel : des écologistes, Greenpeace plus précisément, ont maintenant déclaré la guerre aux pêcheurs. Aux humains.
C’est n’est évidemment pas comme ça que la chose est présentée dans un article publié hier – le 5 février 2010, dans le quotidien Le Devoir, hier, sous le titre «Loblaws ne vendra plus de poissons menacés. Greenpeace applaudit». Dans le discours, Greenpeace se targue plutôt de protéger les océans, en particulier en volant au secours des espèces de poisson menacées, comme le flétan, par exemple. Comment? En faisant pression sur ceux qui en vendent – et forcément en attisant la culpabilité de ceux qui en consomment – pour qu’ils cessent ces pratiques qui mettent en péril la survie de la planète. Je n’exagère pas. À preuve, cet extrait de l’article.
» Le groupe environnemental Greenpeace a salué hier la feuille de route que vient d’adopter Loblaw pour cesser la vente d’ici 2013 de tous les poissons menacés d’extinction, dont l’aiglefin et le flétan font partie. Le géant canadien de la distribution alimentaire répond ainsi aux demandes pressantes des écologistes, qui exigent depuis des mois que les poissons vendus au Canada répondent à des critères d’approvisionnement durable. Loblaw, tout comme ses concurrents, était régulièrement montré du doigt.
«Cette décision va dans la bonne direction pour les océans, a résumé hier Beth Hunter, coordonnatrice de la campagne Océans de Greenpeace. En effet, 90 % des grands poissons prédateurs ont déjà disparu de nos océans, et il est grandement temps de retirer toutes les espèces [menacées d’extinction] de nos tablettes.» Hier, cinq supermarchés Loblaws du Québec ont ouvert le bal en n’offrant plus à sa clientèle des poissons dits «à risque» et en l’indiquant clairement sur les étalages. Ailleurs au pays, d’autres supermarchés sélectionnés en ont fait tout autant. «Le but est d’éduquer les consommateurs sur les choix de poissons et fruits de mer issus du développement durable», a indiqué la compagnie par voie de communiqué, qui n’a toutefois pas détaillé la liste complète des poissons qu’elle souhaite à l’avenir retirer de ses tablettes.
Au total, 15 poissons et fruits de mer se retrouvent sur une liste rouge établie par Greenpeace, qui pointe ainsi les espèces dont les méthodes de pêche mettent en péril la survie à court ou à moyen terme. Les poissons d’élevage, quand ils font planer un risque pour l’équilibre écologique, sont aussi visés. La liste comprend l’espadon, la crevette tropicale, le flétan de l’Atlantique, la mactre de Stimpson, les pétoncles géants de l’Atlantique, le thon rouge et le saumon de l’Atlantique d’élevage. Entre autres.»
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Ces espèces sont-elles menacées? Sans doute. Est-il possible de les pêcher autrement qu’en en épuisant les stocks? J’en suis certaine. Je suis même convaincue qu’il se trouve, sur cette planète d’êtres humains, des hommes et des femmes qui se vouent à développer et mettre en oeuvre de telles pratiques. Et parmi eux, des PÊCHEURS, C’EST À DIRE DES ÊTRES HUMAINS – DES ENFANTS MÊME – DONT LA SURVIE DÉPEND DE CES POISSONS.
En faisant pression pour l’arrêt généralisé de la vente de ces poissons – sans nuance et distinctions des pratiques de pêche – ce sont ces êtres humains que certains écologistes condamnent à l’extinction.
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Mes nombreux séjours à Terre-Neuve et mes origines gaspésiennes ne sont pas étrangers à ma colère et surtout, à mon inquiétude devant les conséquences terribles de telles campagnes sur des milliers de personnes dont la survie dépend des ressources naturelles du sol, du sous-sol et des mers. En lisant cet article du Devoir, je n’ai pu m’empêcher de penser aux chasseurs de phoque, transformés en barbares sanguinaires par la Bardot et Sir Paul. Je n’ai pu m’empêcher de revoir les scènes de violence des chasseurs de chasseurs de phoque au large des ïles de la Madeleine et de Terre-Neuve. Et j’ai tout frais en mémoire ces propos d’un homme de Joe Batt’s Arm qui ignorait s’il allait prendre la mer vers la banquise le 1er avril pour chasser les phoques qui bouffent les morues. «Il y aura des phoques, mais pas de marché pour les vendre», a-t-il résumé.
En lisant cet article, je me suis aussi rappelée le roman Le parfum d’Adam de Jean-Christophe Rufin, paru en 2007 chez Flammarion.
Le médecin et écrivain y raconte l’histoire d’une jeune militante écologiste, fragile et idéaliste, qui participe à une opération commando pour libérer des animaux de laboratoire. Sur la quatrième de couverture de ce thriller de fiction qui n’en est pas une, il est écrit ceci : «La défense de l’environnement n’a pas partout le visage sympathique qu’on lui connaît chez nous (lire en France). Le recherche du Paradis perdu, la nostalgie d’un temps où l’homme était en harmonie avec la nature peuvent conduire au fanatisme le plus meurtier.»
Voici maintenant un extrait du compte-rendu d’une entrevue accordée par Jean-Christophe Rufin dans le cadre de l’émission Le Bateau ivre après la sortie de son roman.
«Selon Jean-Christophe Rufin, Le Parfum d’Adam n’est pas un roman d’anticipation : il décrit une réalité bien concrète. Rufin s’est inspiré, pour créer son héroïne, du canadien Paul Watson. Celui-ci s’est d’abord engagé aux côtés de Greenpeace dans les années 70, mais très vite, il s’est radicalisé et a crée Sea Shephered, association écologique très controversée. Son objectif est de lutter contre le massacre des baleines. Pour mener à bien cette action, on éperonne ou on saborde des navires baleiniers illégaux en pleine mer. Bref, on fait justice soi-même.
Rufin reconnaît qu’en France on a une vision de l’écologie très réformée, règlementée, idyllique. Mais aux Etats-Unis, on distingue différents courants : les humanistes qui veulent protéger la planète et les terroristes qui n’ont aucunes limites pour parvenir à leurs fins. Ces derniers pratiques une écologie radicale telle qu’elle a été pratiquée lors de son apparition, dans les années 20, à la même époque que les théories sur la pureté de la race. Jean-Christophe Rufin a voulu raconter une histoire décrivant un monde d’écologistes si amoureux des animaux qu’ils en arrivent à détester les Hommes.
Ce roman semble aller à contre-courant de ce qu’on peut voir actuellement sur les têtes de gondoles de nos librairies : non seulement il dénonce une certaine forme d’écologie, alors que ce thème a le vent en poupe, mais en plus, il alerte sur ses dangers puisque le FBI la considère comme la deuxième source de terrorisme mondial !»
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Loin de moi l’idée de comparer la campagne actuelle de Greenpace et ses méthodes à celles de Paul Watson. N’empêche, du flétan au hareng, de la crevette tropicale à celle de Matane, du Saumon d’élevage de l’Atlantique à celui du Pacifique (de Colombie-Britannique plus précisément), il n’y a qu’un pas… Que les bonnes consciences pourraient ne pas hésiter à franchir. Et de multiples dérives possibles, si le passé est garant de l’avenir.
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Mes excuses à Jean-François Noël pour l’utilisation non autorisée de sa magnifique photo de pêcheurs Madelinots publiée sur son tout aussi magnifique blogue Terre et Mer, à visiter absolument à l’adresse http://jfnoel.blogspot.com et, en cliquant ici pour en voir plus sur l’arrivage de flétans, en août 2009.