Sur les traces d’un cas de Covid à Terre-Neuve – La très longue journée entre le départ et le retour à la maison

Photo : Jean Beaufort, sous licence CCO

J’ai un jour assisté à un atelier de bande dessinée dans une école primaire de la péninsule de Port-au-Port, sur la côte ouest de Terre-Neuve. Les élèves devaient créer un héros doté de pouvoirs magiques à partir d’un animal qu’ils avaient déjà vu. Sarah, une élève de deuxième année, a dessiné un renard. « Quels sont ses pouvoirs? », lui a demandé son enseignante. « Il peut voir jusqu’en Alberta », a répondu illico la petite fille. C’est aussi le souvenir de cet enfant qui a motivé ma détermination de suivre les traces d’un cas de Covid terre-neuvien venu des sables bitumineux de l’Alberta.

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Fun, Fish, Folk et FEMME à Twillingate

Où était Rowena, la douce de Jody, pendant tout ce FUN, ce FISH et ce FOLK à Twillingate? Au J & J Fish Market. À servir des fish & chips, à apprêter du crabe frais, à sourire aux clients habituels et aux nombreux touristes venus quadrupler la population de Twillingate et des îles environnantes pendant le FFFF. J’apercevais aussi son auto tard le soir et tôt le matin, de la fenêtre de ma cabine voisine de leur maison. Elle s’endort tôt Rowena les jours de festival. Elle croûle sous la fatigue – une belle fatigue car le festival est bon pour les affaires et pour revoir des connaissances exhilées en Alberta ou à Toronto pour le travail.

Le matin de mon départ, elle prenait une pause bien méritée d’après Festival, pour griller une cigarette dans une petite pièce qu’elle m’a présentée comme son fumoir. Elle m’a invitée à la joindre. Et nous avons placoté, doucement, simplement. Ce matin-là, Rowena avait les yeux bleus comme le ciel et la mer. Deux jours plus tôt, quand elle m’a fait visiter ma cabine, ses yeux étaient verts comme des pommes vertes et des raisins quand ils sont verts. Je n’avais pas bien compris son prénom et j’avais décidé qu’elle s’appelait Coriande, à cause de ses yeux et d’un petit quelque chose de sucré dans son sourire. Rowena, peu importe la couleur de son regard, est une femme magnifique.

Rowena, de Twillingate, née à Fogo, Terre-Neuve

Rowena, de Twillingate, née à Fogo, Terre-Neuve. Photo : Jacinthe Tremblay

Nous avons donc placoté dans son fumoir et  échangé quelques secrets de femmes – et qui le resteront.

Ce que je peux dire, par contre, c’est que Rowena est née à Fogo Island, à environ deux heures de route et de traversier de Twillingate, et qu’elle a quitté son coin natal avec ses parents lors du grand Resettlement des années 1960 à Terre-Neuve. Le gouvernement provincial avait alors décidé de fermer de très nombreux villages côtiers et de «relocaliser» leurs habitants dans des villes ou des communautés plus nombreuses. Une majorité des gens de Fogo ont décidé de résister et de rester. Pas les parents de Rowena. Ils sont déménagés à Twillindgate. À 14 ans, Rowena, elle, a décidé de se pousser. Elle est allée voir au Canada si elle y était.

Elle y a un jour trouvé mari en Ontario, puis s’est séparée. Au volant de son auto – elle ADORE conduire – elle a parcouru le Canada d’est en ouest – en évitant Terre-Neuve – et du sud au nord pendant cinq ans. Quatre mois par année, elle se rendait dans les Territoires du Nord-Ouest pour profiter du boom pétrolier pour se faire assez de fric pour continuer le voyage les huit autres mois. Un jour, en Ontario, elle a rencontré Jody. Coup de foudre et grossesse.

C’est alors que Rowena, qui s’était poussée de Twillingate,  et Jody, né à Twillingate, ont décidé qu’ils devaient être des parents, il n’y avait pas meilleur endroit sur terre pour jouer ce rôle qu’à…  Twillingate.

Rowena et Jody vivent ensemble à Twillingate depuis près de 15 ans. Ils sont heureux et ils eurent une seule enfant. «J’avais, l’idée m’est venue depuis de repartir», a conclu Rowena avant de se laisser prendre en photo.

Ce matin-là, elle avait les yeux bleus mais elle sentait toujours aussi bon et frais la coriande.

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écrit par un petit matin de brume à Fogo, le 31 juillet 2009.