St.Shotts ou comment le maillage des langues canonise par inadvertance

St.Shotts… Le village le plus au sud de la péninsule d’Avalon. Un village qui a longtemps partagé, avec l’île de Sable, en Nouvelle-Écosse, le titre de « cimetière de l’Atlantique » Des centaines de navires y ont fait naufrage avant l’arrivée des phares des caps voisins, dont celui de Cape Race. Une centaine d’habitants qui reçoivent, en automne, la visite de surfers professionnels attirés par des vagues parmi, selon ces connaisseurs, les plus intéressantes de la planète.

Pourquoi, autrement, aller à St.Shotts? Pour parcourir un de ces déserts de Terre-Neuve qui n’en portent pas le nom mais qui offrent, néanmoins, ce sentiment d’être au coeur d’étendues infinies sans âme qui vive. À moins, bien sûr, d’oublier la route elle-même et le troublant défilé de poteaux électriques long de 10 kilomètres.

Pourquoi aussi, aller à St.Shotts? Pour pouvoir, au retour, écrire être allé dans le village d’un saint qui n’existe pas. Inutile, en effet, de chercher le miracle d’un quelconque Shotts qui lui aurait mérité la canonisation. Plus encore, aucun individu n’a un jour porté ce prénom.

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Lune filante sur nuit blanche. Photographie, encore

En hiver, j’adore déambuler sur les berges du fleuve, dans le Vieux-Port. C’est un des meilleurs endroits à Montréal pour voir la Ville, sentir son histoire et prendre conscience qu’elle est une île.  En hiver, après le coucher du soleil,  le Vieux-Montréal prend des airs de la Vallée de la mort en été. Si les humains se font plus rares dans ce désert américain entre mai et octobre, c’est qu’il y règne une chaleur torride, tellement qu’on peut en crever.  Pour survivre, il faut être économe de ses mouvements et boire beaucoup, beaucoup d’eau.  En hiver, la nuit, les berges du fleuve, au pied du Vieux-Montréal, devient une Vallée de la mort inversée. Le froid et surtout l’humidité, décuplée par les vieilles pierres des édifices et les pavés transforment très souvent le Vieux-Montréal en environnement hostile. Des vents forts soufflent sur les rives du Saint-Laurent. Pour survivre, il faut bouger, emmitoufflé dans des vêtements conçus pour des climats nordiques.  Pour goûter les beautés du Vieux-Montréal, les nuits d’hiver, comme les merveilles de la Vallée de la mort, les jours d’été,  il faut un certain courage, un peu de folie même.

Dans la nuit du samedi 28 février au 1er mars, des milliers de Montréalais et quelques touristes, sans doute, ont bravé les éléments pour se rassembler dans le Vieux-Montréal et son Vieux-Port pour la dizième Nuit blanche du festival Montréal en lumière. Et comme les visiteurs de la Vallée de la mort réunis pour un lever de soleil à Zabriskie Point, des dizaines – des centaines? – d’entre eux avaient apporté une caméra numérique ou avaient placé leur téléphone portable en mode photo. «J’Y ÉTAIS», pourraient-ils prouver à leurs petits-enfants, un jour.

J’avais mon portable. Je n’ai pu résister à la tentation d’immortaliser une meute de photographes. Avec le résultat désastreux que voici.

Photographes photographiant la Nuit blanche 2009 à Montréal. Cliché raté sur portable de Jacinthe Tremblay

Photographes photographiant la Nuit blanche 2009 à Montréal. Cliché raté sur portable de Jacinthe Tremblay

Après avoir pris cette photo, j’ai fait comme à Zabriskie Point au lever du soleil, j’ai regardé avec attention ces festivaliers à la caméra. Et, comme à Zabriskie Point, j’ai remarqué qu’il y avait parmi eux un photographe. Professionnel s’entend. Après l’Ontarien Stephen Gilligan et le Britannique Geoffrey, de Kaaphotos, croisés dans la Vallée de la Mort à capter le lever du soleil à Zabriskie Point, Jacques Nadeau, photographe au Devoir,  au travail pour saisir l’esprit de cette Nuit blanche.

Comme je l’avais fait avec Stephen Gilligan le 19 janvier dans la Vallée de la mort, j’ai décidé de l’observer. En fait, je l’ai observé avec sa permission. Jacques, qui a été un collègue pendant mon passage au Devoir, travaille intensément quand il est au travail. Pas question de se laisser distraire par trop de questions. N’empêche, je lui ai demandé ce qu’il voulait photographier. Il m’a répondu qu’il ne le savait pas et qu’il circulerait dans le Vieux-Port jusqu’à ce qu’il trouve. Il a marché, actionné des dizaines de fois le déclencheur. Et puis il m’a dit : je l’ai, en précisant qu’il avait décidé que peu importe ce qu’il prendrait comme photo, il y aurait la lune. Parce qu’il faut une lune pour avoir une nuit blanche qu’il a ajouté.

Pour prendre la photo du lever de soleil à Zabriskie Point qu’il m’a fait parvenir, Stephen Gilligan est resté longtemps sans bouger sur son poste d’observation et a pris des dizaines. Pour prendre la photo qui fait la Une du Devoir ce matin, Jacques Nadeau a marché longtemps et pris des dizaines de photos.  Et il a su et décidé, sans hésiter, laquelle était la bonne.

Comment? Je ne sais pas. Mais je crois qu’il y a une parenté entre les journalistes au clavier et les journalistes à la caméra. Avec le temps, qui enrichit l’expérience du métier, on peut en arriver – pour peu que l’on sache écouter ou regarder – à se laisser porter par un certain hasard. Pour faire une entrevue, par exemple, on peut décider de la mener à partir d’une seule question. Ce qu’on apprend ensuite dépend de notre écoute.  Le reste coule de source. Il peut arriver de devoir attendre de longues minutes de mots vides de sens avant d’entendre et de noter ce qu’on sait, sur le champ, que l’on citera dans le papier.

Parfois, en relisant ses notes et en revivant la rencontre dans sa mémoire, on change d’idée. On trouve mieux. C’est sans doute ce qui s’est passé pour Jacques Nadeau quand il a regardé ses photos de la Nuit Blanche dans le Vieux-Port. Celle qu’il m’avait montrée comme étant la bonne n’est pas celle qui fait la Une du Devoir.

Nuit blanche 2009. Montréal. Photo : Jacques Nadeau

Aujourd’hui et pour les prochains jours, je délaisse ce carnet et même ma ronde de bacs verts de demain pour écrire le portrait de l’acteur québécois Miro, qui personnifie le chef des méchants dans le spectacle Kà, du Cirque du Soleil, créé par le metteur en scène Robert Lepage. Je l’ai rencontré pendant une heure lors de mon séjour dans la Vallée de la mort, en janvier. Pendant l’entrevue, Miro m’a dit : «Le Cirque du Soleil est arrivé dans ma vie comme une erreur de parcours. Je n’avais jamais pensé, ni rêvé de ça, surtout pas à Las Vegas». J’ai immédiatement mis une petite étoile près de ces mots dans mon carnet. Il y avait là une citation.

Hier, j’ai revu mes notes, lu sur Miro, relu un texte écrit par Miro il y a 13 ans dans le Journal de l’École nationale de théâtre. Je ne sais plus si cette citation se retrouvera dans mon article. Plus le texte est court, plus il faut sacrifier des citations qui bien qu’accrocheuses, s’écartent de l’essentiel. J’ai 1000 mots pour faire le portrait de Miro. Je saurai en l’écrivant si j’y inclus sa réaction spontanée – qui semble invraisemblable – lorsqu’on est invité sans l’avoir demandé à incarner un des personnages les plus marquants d’un spectacle de Robert Lepage pour le Cirque du Soleil. À suivre.

Zabriskie Point : le lever de soleil du photographe à la Hasselblad

Hier, j’ai reçu dans ma boîte de courriels un merveilleux cadeau, accompagnant un court message. En voici un extrait, dans sa langue originale. «I am the photographer with the Hasselblad you were talking at Zabriskie Point Jan 19th. I read your January 20th blog entry (more precisely, I got an interpretation with the help of Google language tools). I enjoyed the entry, you were paying close attention! I have attached the photograph I was working on as we spoke, I thought you might get a kick out of seeing it. I have also included an image composed from the more common vantage point, yes I did look that way as well! ». Stephen Gilligan.

zabriskie-point

Je garde pour moi la photo – magnifique – de Point Lobos, celle sur laquelle il travaillait quand nous nous sommes rencontrés. Celle que je partage ici est, comme il l’écrit si bien, une image «composée à partir du point d’observation le plus populaire».

C’est ce point de vue que la vaste majorité des touristes, armés de caméras numériques bas de gamme, rapportent en souvenir de leur lever de soleil à Zabriskie Point.  Je le sais. Je l’ai fait et deux fois plutôt qu’une.

La photographie de Stephen Gilligan me conforte dans ma décision du 19 janvier dernier de m’imprégner de la majesté de ce spectacle en utilisant mes sens comme outil de mémoire. Un lever de soleil dans le désert est en effet une expérience exceptionnelle pour les yeux, la peau et l’ouïe.  Les couleurs, la lumière et les ombres changent à chaque instant. Les mouvements de la lune qui disparaît et du soleil qui se pointe modifient la température de l’air ambiant. Le vent se lève et se calme. Il caresse la peau, sa musique romp le silence du désert. L’obsession du souvenir photographique peut – et fait souvent – rater cette rare expérience, possible uniquement, je crois, dans des lieux ouverts sur l’infini. Comme Signal Hill, à Saint.John’s, Terre-Neuve, par exemple.

Ce Zabriskie Point de Stephen Gilligan confirme une autre de mes réflexions sur la photographie de ces paysages : le noir et blanc traduit mieux l’impression laissé par le désert que la couleur. Bien sûr, les mutations des montagnes  du brun, au bleu, au rose et au jaune caramel fascinent et éblouissent. Mais la majesté du désert, pour moi, réside dans les jeux d’ombres et de lumière.  Le noir et blanc les saisit. La couleur les camouffle.

Les photos de Zabriskie Point des grands artistes de la caméra ont une autre précieuse qualité. Elles arrivent à déjouer une des grandes illusions du désert :  la conviction que ce qui est loin est à quelques mètres de nous. La caméra numérique bas de gamme se fait prendre à ces mirages.  En voici la preuve, avec un des mes clichés du même paysage. La Hasselblad, utilisée par un professionnel, révèle combien large est la Vallée de la Mort.

Soleil levant à Zabriskie Point, février 2007, Jacinthe Tremblay

Soleil levant à Zabriskie Point, février 2007, Jacinthe Tremblay

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Vous avez déjà échangé des adresses de courriel en voyage, dans l’enthousiasme d’un moment de complicité avec des inconnus? Ces engagements à garder le contact ont rarement des suites.  Le 19 janvier dernier, avant de quitter le poste d’observation de Zabriskie Point, j’avais laissé les coordonnées de ce carnet et mon adresse de courriel à un photographe à la Hasselblad venu saisir en noir et blanc le lever du soleil. Stephen Gilligan avait rapidement pris le bout de papier.  Il était intensément concentré sur son boulot, le regard et l’objectif pointés en direction des mouvements d’ombres sur Point Lobos, une zone du paysage immortalisée à la fin des années 1930 par le photographe Edward Weston, qu’il m’a fait découvrir et dont je reproduis encore la célèbre photo.

Point Lobos. Zabriskie Point. Edward Weston. 1938

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Dans mon billet du 19 janvier, j’écrivais : «l’homme à la Hasselblad m’a dit son nom. Si je le retrouve dans Internet, je vous le présenterai.» Malgré d’intenses recherches, je n’avais jamais retrouvé ce Stephen Gilligan dans Internet. Et j’avais presque oublié le bout de papier rapidement remis à ce professeur de photographie ontarien le 19 janvier.

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Vous avez déjà échangé des adresses de courriels en voyage dans l’enthouiasme d’un moment de complicité avec des inconnus? Même  si ces engagements à garder le contact ont rarement des suites, continuez à griffonner vos noms et adresses sur des bouts de papier.

Le courriel reçu hier de Stephen Gilligan prenait fin sur les mots suivants : «It was nice to meet you, however brief».

FOR ME TOO, STEPHEN GILLIGAN!

Quelques raisons de croire au changement chez nos Voisins : www.npr.org

Pendant mes longues heures de route dans le désert, là les signaux radios étaient encore accessibles, j’ai écouté avec un immense plaisir la National Public Radio des États-Unis d’Amérique. Peu importe où vous êtes sur cet immense territoire, la NPR possède une antenne locale qui présente l’actualité et les affaires publiques du coin ainsi qu’un choix de reportages d’autres stations liées à NPR ailleurs au pays et de ses correspondants ailleurs dans le monde.

Au moment où j’écris ces lignes, j’écoute le nouveau Bruce Springtein, diffusé gratuitement, intégralement et en exclusivité sur NPR. C’est aussi sur ce réseau que j’ai découvert Animal Collectives, un ensemble musical fort étonnant qui mérite le clic avec l’hyperlien.

C’est aussi en syntonisant la station KNPR de Las Vegas que j’ai découvert une facette de l’action sociale du Cirque du Soleil dans la Ville du Vice. Moins de cinq minutes après la location de mon auto, lors de mon arrivée dans cette ville le 17 janvier 2009, j’ai entendu un message publicitaire annonçant la tenue d’un événement bénéfice au profit de la Nevada Public Radio. En voici la version publiée dans les pages de  KNPR. On y trouve plusieurs liens avec des émissions diffusées lors du lancement du spectacle LOVE. Les fans qui n’ont pas encore vu cette petite merveille de spectale peuvent aussi y acheter des billets, pour le plaisir et pour la cause.

Au cours des prochains jours, je vais me remettre sérieusement au boulot lucratif, tout en continuant d’écouter NPR pour suivre ce qui se passe dans le pays d’Obama. De retour à Montréal, j’ai en effet constaté qu’outre le projet de Monsieur et Madame, je n’avais pas raté grand chose dans les nouvelles d’ici et du monde au Panamint Springs Resort, ce minuscule au milieu de nulle part dans la Vallée de la Mort.

Nevada Public Radio

LOVE
20 years The Mirage

Join us for The BeatlesTM LOVETM
at The Mirage

Help! I need somebody.

THURSDAY, FEBRUARY 5TH, 2009
7:00 p.m. or 9:30 p.m.
Members $125 per ticket.
Listeners $150 (membership included)

<!– –>Click here to order tickets.

LOVE brings the magic of Cirque du Soleil® together with the spirit and passion of The Beatles to create an intimate and powerful entertainment experience.

With LOVE, Cirque du Soleil celebrates the musical legacy of The Beatles through their timeless, original recordings. Drawn from the poetry of the lyrics, the show explores the content of the songs as interpreted by innovative performances from a cast of 60 international artists. A youthful, raw energy is channeled through aerial performance, extreme sports and urban freestyle dance.

If you attend the 9:30 p.m. show, Nevada Public Radio ticket holders will enjoy a post-show Q & A with cast/crew members. Join us!

Enjoy web extras on LOVE and The Beatles

»KNPR’s State of Nevada: Sir George Martin
»NPR: ‘Love’ Brings Beatles and Cirque Du Soleil Together
»NPR: ‘Hard Day’s Night’: A Mathematical Mystery Tour
»NPR: Beatles’ ‘Eleanor Rigby’ Mystery May Be Solved
»NPR: George Martin: ‘The Fifth Beatle’ Returns

And read more from the local press

»LVRJ: SHOW REVIEW: ‘Love’
»LV Sun: ‘Love’ is constant, ‘Love’ is stunning

De quelques raisons de croire au changement chez les Voisins – Adopt-a-cabin

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Ce que vous voyez ici est un secret bien gardé,  et qui le restera malgré ces images.

Il existe, dans la Vallée de Panamint, plusieurs refuges aménagés dans des anciens campements miniers de l’époque de la Ruée vers l’or. Celui-ci était, à l’époque, la maison du gérant de la mine. Grand salon salle à manger, deux chambres, salle de bain et cuisine. Balcon à l’avant et terrasse à l’arrière. 

Il est occupé, entretenu et meublé par des amants de la Vallée de Panamint. On y trouve des meubles, des jeux, des livres, un frigo, un garde-manger assez bien garni et même un bar avec quelques bouteilles presque pleines le jour où Roy, mon homme du désert – portrait à venir – m’y a amenée, en janvier 2008.

Pour s’y installer, rien de plus simple. Il suffit d’observer l’emplacement du drapeau américain installé à l’avant.  Si le drapeau est levé : la place est disponible. Elle est à vous. S’il est en berne, il y a quelqu’un. Prière de ne pas déranger! 

Chalet à flanc de montagne disponible gratuitement. Introuvable sur une carte. Accessible uniquement aux amants de la Vallée de Panamint.

Chalet à flanc de montagne disponible gratuitement. Introuvable sur une carte. Accessible uniquement aux amants de la Vallée de Panamint.

Les usagers sont responsables de la propreté des lieux et de la tenue d’un journal de bord pour signaler des faits utiles aux prochains occupants. Le jour de mon passage, par exemple,  on y signalait qu’un cougar rodait autour de la cabine mais qu’il n’était pas dangereux. Dans une entrée précédente, quelqu’un avait indiqué avoir laissé des pâtes alimentaires au frigo – avec la date.

Roy, qui a sillonné les recoins de la Vallée de Panamint pendant six mois à chaque jour, avait  découvert en 2008 environ 7 refuges Adopt-a-cabin dans les alentours.  Depuis,  il en a trouvé un nouveau,  alimenté à l’énergie solaire. Ses usagers ont donc de  l’électricité pour faire fonctionner leurs appareils ménagers !

Ces merveilles d’entraide collective,  de confiance – trust – envers les êtres humains sont sans équivalent, à ma connaissance, dans notre coin du monde qui se targue d’être  une société modèle. Mais peut-être que quelque part, dans un recoin isolé et sauvage de l’Alberta – cette province dite de droite que l’on aime détester sans la connaître -, il y a des Adopt-a-Cabin?