Le temps qu’il fait à Montréal en cet été 2009 est… étrange. En quelques heures, on se promène entre la canicule, le froid automnal, la pluie tropicale et le vent doux de mai. L’obsession météo est à son comble. Ici, comme ailleurs. Pour la nième fois, la radio annonce le report du lancement de la navette qui doit propulser l’astronaute québécois Julie Payette dans l’espace. Les fraises ne goûtent rien. Des pans entiers de routes et d’autoroutes se sont affaissés le week-end dernier. On ne sait plus quel vêtement porter pour toute sortie qui dépasse cinq minutes. Les caprices de la nature sont devenus LE sujet qui amorce toutes les conversations dans l’enclos canin du Parc Lafond, à Rosemont. L’obsession météo est à son comble (bis).
Et pourtant, il se trouve quelques personnes pour s’inquiéter de mon prochain départ vers Terre-Neuve. «Tu vas à Terre-Neuve! Quelle drôle d’idée d’aller y passer ses vacances! Il fait un temps de chien là-bas!». Bref, on redoute pour moi les pires conditions météo, comme… la pluie abondante et le froid automnal. Sans nier les dangers qui me guettent, je prends ces mises en garde avec un grain de sel. Avec un grain de grêle même. Car s’il y une chose dont je me fous royalement, c’est bien l’étrangeté de la météo terre-neuvienne. Ou plutôt non. J’aime bien le suspense du temps qu’il fera sur le Rocher pendant mon prochain séjour. Au fil de mes accostages sur cette île immense, j’ai même appris à aimer ses changements brusques du mercure. Je me rappelle avec le sourire de l’apparition d’un nuage de brouillard dans une foule pendant un concert en plein-air, il y a quelques années. Magique! D’autant plus que cette intrusion de Dame Nature entre la scène et les spectateurs a provoqué un formidable éclat de rire collectif. Magique (bis)!
Magique, parce que ces gens réunis dans un parc de St-Jean venaient de donner là une leçon de vie que nous devons à tout prix intégrer : le temps qu’il fait, il faut faire avec. J’entends ici des voix s’élever contre cette approche qui fait abstraction du rôle des humains dans les bouleversements actuels du climat. Je n’ignore pas cette responsabilité. Je crois simplement que l’obsession du climat est une perte d’énergie inutile, voire même dangereuse. Au quotidien – et tout en posant tous les petits gestes indispensable pour stopper le réchauffement de la planète -, il faut composer avec le temps qu’il fait.
C’est ce à quoi je pensais en écoutant les membres de l’équipe matinale de Radio-Canada pester contre la température en prenant mon café en ce matin du 14 juillet 2009 – jour de la fête des Français. Et je me suis rappelée les mutations brusques du paysage aperçu du balcon de mon gîte de Cap St-Georges, dans Péninsule de Port-au-Port, à Terre-Neuve, le printemps dernier. Cette région du Rocher est habitée par des descendants de Français de France, de Français des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que d’Acadiens. Cette bande de terre qui baigne dans le Golfe Saint-Laurent est désignée sur les cartes touristiques comme la French Shore. On y joue des airs d’accordéon et de violon d’une parenté troublante avec ceux du folklore québécois. C’est pour cette culture que j’étais là le printemps dernier.

À Cap St-Georges, Péninsule de Port-au-Port, Terre-Neuve, le 11 avril 2009
Mark Cormier, joueur de violon, conteur et directeur d’une des écoles françaises de la région, m’a dit le 11 avril que cette péninsule était «Le pays du Bon Dieu». Ce jour-là, même les agnostiques auraient pu le croire.
Le lendemain par contre, le même environnement avait plutôt des allures de Terre de Caïn. À la même heure que la veille, et sensiblement du même point, voici de quoi avait l’air le Cap St-Georges.

Le 12 avril 2009, le Pays du bon Dieu était devenu La Terre de Caïn
Et vous savez quoi? Quand je suis descendue pour prendre mon café matinal, Jenny Fenwick – l’hôte du Bed and Breakfast où j’habitais – a commenté le temps qu’il faisait ce matin-là dans un grand éclat de rire.