Quand j’étais petite, mon père me racontait toujours la même histoire. La même, parce que je lui redemandais toujours cette histoire. Celle des lutins qui venaient pendant la nuit faire courir des chevaux et, qui, au petit matin, les lavaient et les brossaient jusqu’à ce que les sueurs de leurs cavales nocturnes n’y paraissent plus.
J’ai longtemps cru que les lutins existaient vraiment. Je rêvais de croiser sur ma route un jour ces petits coquins joueurs de tours et sans malice, qui se faisaient plaisir tout en rendant les gens heureux.
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Hier, au petit matin, j’ai découvert que la galerie à l’arrière de ma maison avaient été nettoyée et que tous les objets qui s’y trouvaient – table, chaises, poubelle et étagère, avaient été judicieusement rangés. Mais qui donc avait pu faire, à mon insu, ce grand ménage? Des lutins? Pendant un instant, je me suis amusée à le croire.
Et puis, j’ai compris pourquoi, la veille, Walid était entré chez moi par la porte arrière en arborant cet air coquin des joueurs de tours. Il venait de terminer le grand ménage de la galerie. Je n’ai rien vu, sur le champ.
Hier, quand je l’ai remercié pour son grand ménage, il a cru que je le disputais. Parce que je ne sais pas encore dire les mots ménage et galerie en arabe. Et que Walid ne comprend pas encore les mots ménage et galerie en anglais.
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Walid a 13 ans. Il est né en Syrie. Il a sept frères et soeurs. Il vit depuis quelques semaines sur ma rue. Depuis notre première rencontre, il vient chez moi presque à tous les jours.
Nous communiquons encore beaucoup par des gestes mais au fil de ses visites, il a finalement fini par comprendre que quand j’étais devant un ordinateur, je ne jouais pas, je travaillais. Et j’ai fini par comprendre que quand il ouvrait un tiroir ou la porte d’une armoire, il ne jouait pas ni ne préparait un vol, il travaillait aussi, à sa manière.
Quand il a monté pour moi une armoire IKEA avec son frère de 14 ans, il savait très bien que j’avais des tourne-vis et un marteau et où ils se trouvaient dans la maison. Mais plus encore, il avait parfaitement raison de me faire savoir qu’il pouvait monter cette armoire sans ma surveillance.
Ce travail était pour lui un jeu d’enfant.
Walid a été mécanicien automobile pendant trois ans au Liban avant que sa famille et lui trouvent refuge à St.John’s. Il a 13 ans!
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Je rêvais de croiser des lutins sur ma route un jour. C’est fait!
Walid est un de ces petits coquins joueurs de tours et sans malice, qui se font plaisir tout en rendant les gens heureux.
Je rêve maintenant qu’un jour, il me raconte une histoire, son histoire.
Toujours aussi contente de te lire… Quelle belle histoire,
Cri