Mon silence de plusieurs semaines dans ce carnet a inquiété quelques amis. Certains en sont venus à penser – sans oser me le dire – que je vivais engloutie sous des dizaines de boîtes d’exemplaires invendus des Entretiens avec Henry Mintzberg. Ce n’est pas le cas! J’étais plutôt très occupée à gagner ma vie – autrement – et aussi à suivre le parcours du livre, c’est-à-dire à ré-alimenter « mes libraires » et à répondre à de nouvelles demandes de diffusion. Car c’est ainsi que s’est développé et continue de se développer le réseau de distribution de ce livre : à quelques exceptions près, il s’est retrouvé sur les rayons des librairies, des coopératives universitaires et de boutiques associatives à cause de demandes de leurs clients.
Mon choix de l’auto-distribution était certainement le pari de plus risqué de cette aventure. Il est aussi beaucoup plus exigeant que l’auto-édition. Dans ce cas, il était relativement facile pour moi de soumettre mes textes à des lecteurs avertis avant publication; de trouver des collaborateurs de grand talent au graphisme, aux photos et aux illustrations; de dénicher un imprimeur… Mais pour la distribution, je m’aventurais dans un terrain inconnu : le merveilleux monde des libraires. Et ce que j’y apprends m’étonne encore.
– Les libraires sont un peu détectives
Je n’ai pas rendu la vie facile aux libraires. À quelques exceptions près – les librairies Paulines, rue Masson et Raffin, rue Saint-Hubert; les coops universitaires Zone, HEC et UQAM; et la boutique de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et relations industrielles du Québec -, la quasi-totalité des autres points de vente des Entretiens se sont retrouvés dans la section « Acheter le livre » de ce carnet après avoir trouvé mes coordonnées, justement, par ce carnet !
Mais les diffusion des Entretiens ne s’arrête pas là. J’ai aussi mis à la poste des exemplaires des Entretiens réclamés par des libraires indépendants de Gaspé, de Valleyfield, de Roberval, de Saint-Anne de la Pocatière, de Gatineau, de Repentigny, de Rouyn, de Drummondville, de Trois-Rivières, entre autres. La majorité d’entre eux m’ont aussi rejoint par courriel, en découvrant mon adresse sur ce site. Certains ont communiqué avec des libraires amis proposant le livre en ligne pour connaître mes coordonnées. D’autres ont trouvé mon numéro de téléphone dans une base de données gouvernementale dont j’ignorais l’existence et sans doute liée au dépôt légal…
Ces librairies ont effectué ces démarches pour satisfaire une seule personne, malgré comme seule récompense de leurs efforts, un petit revenu de quelques dollars… J’en suis, à chaque fois, estomaquée. Et de plus en plus remplie d’admiration pour ces commerçants du savoir qui, ces jours-ci, doivent se débattre avec les Amazon de ce monde et aussi, avec la concurrence de leur semblable de l’autre côté de la rue.
– Les lecteurs sont fidèles à « leur » libraire.
J’ai aussi livré des commandes à des libraires de Montréal et Québec dont les clients auraient pu très facilement trouver le livre ailleurs. De l’autre côté de la rue, justement. Et c’est une autre de mes découvertes dans ce voyage des Entretiens : plusieurs lecteurs sont d’une incroyable fidélité à « leur » libraire, au point d’être prêts à attendre quelques jours pour se mettre le nez dans le bouquin qu’ils désirent. Au point même de le payer un peu plus cher!
– Des lecteurs « actifs »…
L’utilisation de ce carnet et, dans une moindre mesure, des réseaux sociaux comme Facebook et Linkedin, pour faire connaître ce livre et son parcours a également permis à des lecteurs de me faire transmettre directement leurs commentaires. Et je dois dire que si je me réjouis, bien sûr, du bel accueil réservé aux Entretiens par mes collègues journalistes, les mots de ces inconnus me comblent encore plus. Ils m’écrivent avoir aimé son caractère accessible mais surtout, ils me disent être réconfortés et inspirés par les propos d’Henry Mintzberg.
Voici des extraits de messages de quelques-uns de ces lecteurs « actifs », qui évoluent tout autant dans l’univers de la gestion, dans le monde associatif que dans le milieu syndical…
« J’ai beaucoup apprécié votre rencontre avec Mintzberg. Il porte un discours rafraîchissant. Je suis particulièrement sensible aux approches qui s’appuient sur des principes bien campés plutôt que sur des recettes. Surtout quand ces principes reflètent une vision humaniste évidente. Évidemment, les techniques existent en gestion comme ailleurs. Mais les réalités humaines sont bien trop subtiles, variables et complexes pour tenir dans des formules. » – Un gestionnaire de la fonction publique à la retraite.
« J’ai lu les Entretiens, je voudrais tellement que les cadres de tous niveaux, de tous secteurs en fassent leur livre de chevet. » – Une syndicaliste.
« Je n’avais pas ouvert les yeux sur l’importance des cadres intermédiaires et leur connaissances du terrain, et là je dois reconnaitre que HM m’a fait penser différemment. (…) Un autre passage que j’ai aimé est celui où il décrit un PDG d’une entreprise de plus de 50000 employés qui salue une de ses secrétaires par son prénom. Et bien j’apprécie car je me retrouve dans ce mode de fonctionnement, et souvent ce n’est accepté par certains dirigeants, un certain « rang hiérarchique » à respecter…. mais être proche, attentionnée, cela ne peut que fidéliser, montrer du respect…non?? C’est simplement humain… » – Une cadre du secteur de la santé, en France.
« Le livre se lit comme une belle histoire où enfin quelqu’un se lève et exprime son mécontentement des façons de gérer, le dit poliment et la balle est maintenant dans le camp des gestionnaires qui se doivent de faire un examen de conscience. Effectivement le leader «genre vedette» est de nos jours recherché. Mais arrêtons de le chercher, il s’agit d’avoir des gens qui donnent un sens à leurs façons de faire et demeurent fidèles à ce sens et il y a un genre d’effet d’entraînement positif qui s’installe. Il faut garder en tête la saine gestion financière, mais quand tout le monde travaille dans le même sens, ça se fait plus doucement. » – Un gestionnaire municipal.
– Un outil de « communautéship » ?
J’ai aussi eu la confirmation, tout récemment, que des membres de mêmes organisations s’étaient livrés à la lecture collective des Entretiens ! Comme point de départ d’une réflexion sur leurs propres pratiques, et d’un désir de travailler en « communautéship ». C’est d’autant plus formidable qu’il s’agit, dans un cas, d’une entreprise et, dans l’autre, d’un syndicat. C’est bien une preuve de plus que la gestion n’est pas le propre des « affaires » mais qu’elle concerne tous ceux et celles qui veulent que « les choses se fassent ».