1er novembre 2009 (2) – À Montréal, quelque chose allait mourir.


ce billet est le deuxième d’une trilogie amorcée par le texte : 1er novembre 2009- Odeurs berlinoises à Montréal

En marchant sous le viaduc entre Van Horne et Beaubien, rue Saint-Laurent, à Montréal, le 1er novembre 2009, – premier jour du mois des morts dans le calendrier catholique et jour d’élections municipales dans la Cité,  j’avais la certitude de «quelque chose allait mourir» ce jour-là. Le règne de l’administration de Gérald Tremblay, à la barre de la Ville depuis 2002? Je pressentais que malgré les scandales nombreux révélés par les médias au cours des dernières semaines, la majorité des membres de son parti, et lui en premier, resteraient dans le décor et au pouvoir au lendemain de ce scrutin. Le premier magistrat de la métropole du Québec avait déjà démontré à maintes reprises sa capacité inouïe de mutation – du moins en apparence. Il était encore capable de nous faire croire qu’il est le cadeau que l’on attendait plus dans la boîte de Cracker’s Jack. Et même de croire – et nous faire croire –  qu’il est un Homme Nouveau. Et, pourquoi pas une Femme?

Un moment dans le règne de Gérald Tremblay à la mairie de Montréal. Photo : Jacques Nadeau

Voilà pourqoi je pressentais que si «quelque chose allait mourir», en ce 1er novembre 2009, ce serait forcément autre chose que le règne de Gérald Tremblay à la mairie de Montréal.  C’était une prédiction par ailleurs bassement logique et mathématique : il était clair que Gérald Tremblay et son parti allaient  gagner cette élection par le poids du nombre des anciennes banlieues de la défunte Communauté urbaine de Montréal devenues par le jeu des fusions et défusions municipales nouveaux arrondissements de la nouvelle Ville de Montréal. C’est exactement ce qui s’est passé. Gérald Tremblay a gagné ses élections.

***

En examinant les résultats détaillés des élections à la mairie par arrondissements , en fin de soirée le 1er novembre 2009, j’ai eu la réponse à la question qui me trottait dans la tête depuis ma marche matinale.

LE PREMIER NOVEMBRE 2009, CE QUI RESTAIT D’ILLUSION DE DÉMOCRATIE EST MORT À MONTRÉAL.

Ce jour-là, Gérald Tremblay s’est  fait montrer la porte par les Montréalais de l’ancienne Ville de Montréal, qui comptait 1 million de citoyens. Il a gardé le pouvoir grâce aux votes des anciennes banlieues de l’ancienne Ville de Montréal.

***

Dès le 2 novembre, une voix forte a conforté ma lecture des résultats électoraux. C’est celle de Jean-François Lisée, directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), blogueur sur le site Internet du magazine l’Actualité et ex-conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.

Le titre de son billet sur son blogue de l’actualité était on ne peut plus clair : Louise Harel a gagné… dans le Montréal pré-fusions. En voici des extraits et une image, l’intégrale pouvant être consultée via l’hyperlien précédent.

 Manif anti-fusions (photo PC)Manif anti-fusions (photo PC)

«Si Louise Harel avait été, dimanche, candidate dans la ville de Montréal telle qu’elle existait avant les fusions qu’elle a elle-même menées, elle serait aujourd’hui mairesse. Selon mes calculs, elle aurait triomphé dimanche avec 39% des voix, contre 33,5% à Gérald Tremblay et 27,5 % à Richard Bergeron.

Montréal aurait la première femme, ouvertement souverainiste, pas complètement bilingue, à diriger la ville. Comme mairesse de la principale ville de la région, elle présiderait la Communauté urbaine de Montréal, l’organisme supra-municipal qui dirigeait, cahin-caha, la métropole. Le calcul est simple:Il suffit de prendre le total des voix obtenues par les trois principaux candidats et d’en soustraire celles comptabilisées dans les arrondissements qui n’étaient pas montréalais en 2001. Tremblay perd près de 70 000 votes, et sa majorité. Harel et Bergeron en perdent chacun 35 000. Au final: Harel a une majorité de 13 500 voix sur Tremblay. Comment cela s’explique-t-il ? L’argent ? Des votes ethniques?

La corrélation avec la langue est majeure. Dans l’ex-Montréal, je l’ai dit, Harel a fait 39%. Elle n’atteint cette proportion dans aucune des anciennes villes fusionnées. Dans presque tous les nouveaux arrondissements massivement francophones, elle fait tout de même bonne figure. (…)

Ceux qui s’attendent à ce que je ne critique jamais le Parti québécois dans ce blogue en seront pour leurs frais. J’ai toujours pensé et pense encore que l’opération fusion fut, à Montréal, une faute politique majeure. Lorsqu’on dirige une nation dont la majorité est minoritaire sur le continent, dont la proportion se marginalise dans la fédération, dont le poids linguistique se fragilise dans sa métropole, on n’introduit pas de réformes institutionnelles qui affaiblissent son pouvoir dans sa principale ville.

Pour la petite histoire, quand j’ai quitté le cabinet du premier ministre en septembre 1999, il n’était pas question d’appuyer une île une ville, mais de maintenir les villes existantes en renforçant les pouvoirs d’équité fiscale et de planification industrielle, de la communauté urbaine. Ce n’était pas mon dossier, mais je considérais que cette proposition gardait intacte la ville de Montréal, où les francophones étaient nettement majoritaires. Elle préservait aussi, ce que je considérais non négligeable, l’identité municipale des villes anglophones et bilingues. Il faut être cohérent. Ou bien on est sensible aux questions identitaires, et alors on reconnaît son importance dans les institutions de nos minorités, ou bien on ne l’est pas. Lorsque le gouvernement s’est engagé sur la voie de la fusion de toute l’île, j’ai demandé directement pourquoi un gouvernement du Parti québécois oeuvrait pour miner le pouvoir politique des francophones dans la métropole. Je n’ai jamais eu de réponse convaincante.»

***

Le 3 novembre, j’ai décidé d’utiliser mon pouvoir de scribe citoyenne pour ajouter mon grain de sel à cette analyse. Mon commentaire a été diffusé sur le blogue de Jean-François Lisée. Le voici, dans sa version intégrale.

« Monsieur Lisée,

Je vais paraphraser de grandes parties de votre texte avec lequel je suis largement en accord. Je trouve d’autant plus important de prendre le clavier sur cette question parce que je la connais très bien… Et que je pense que tous ceux qui analysent les résultats des élections sous la lorgnette des clivages linguistiques sont dans l’erreur. Alors, voilà :

Quand j’ai quitté le cabinet du maire Jean Doré, en 1994, après sept ans comme attachée politique aux relations intermunicipales et gouvernementales, il n’étais pas question de revendiquer une ile une ville mais de maintenir les villes existantes en introduisant l’équité fiscale entre la métropole et les localités de la région de Montréal et en réformant la fiscalité des villes pour la faire correspondre à leur rôle dans les sociétés modernes. C’était MON dossier. J’avais aussi, pendant le premier mandat du RCM – 1986-1990 – été responsable du suivi, pour les élus montréalais, des dossiers de la Communauté urbaine de Montréal – qui marchait de moins en moins cahin-caha, d’ailleurs.

Les fusions-défusions-réformes des fusions-défusions, ont été une succession de parentes guidées beaucoup plus par des compromis et compromissions de TOUS les partis politiques et de TOUTES les administrations municipales montréalaises depuis 2000. Les objectifs fondamentaux des revendications de tous les maires de Montréal, de Drapeau à Bourque en passant par Doré, ont été écartés, au profit d’une organisation bancale appelée la Nouvelle Ville de Montréal.

J’ai fait hier les mêmes calculs que vous : les Montréalais – de souche? -, c’est-à-dire les citoyens voteurs de l’Ancienne Ville de Montréal ont élu Louise Harel à la mairie et, dans la majorité des anciens districts et quartiers centraux, ont donné des majorités importantes aux candidats de Vision et Projet Montréal.

Par ailleurs, dans Ville-Marie – le coeur économique de Montréal ET du Québec -,Vision est majoritaire, Union est deuxième, suivi de très près par Projet. Et – autre aberration demandée par Tremblay aprés le départ de Benoit Labonté et autorisé par Charest – cet arrondissement aura comme maire Tremblay – élu par les anciennes banlieues de l’Ancienne Ville de Montréal.

La réforme municipale de 2002 a eu comme conséquence un deni total de démocratie pour les citoyens de l’Ancienne Ville de Montréal. LEUR ville a été morcelée SANS QU’ILS N’AIENT UN MOT À DIRE – seuls les gens des banlieues ont eu droit à un référendum, pour comme contre les fusions. Et depuis, le maire élu par le million de citoyens de l’Ancienne Ville de Montréal n’a jamais été celui qu’ils ont élu. La Communauté urbaine de Montréal, qui assurait, en plus d’une saison gestion de services insulaires, en plus de fonctionner dans la plus grande harmonie possible entre Francos et Anglos, n’existe plus. Et les arrondissements de l’Ancienne Ville de Montréal sont les plus mals foutus en terme d’infrastructures souterraines et routières services publics alors qu’ils sont la vitrine de la Métropole du Québec sur le monde.

Les citoyens de l’Ancienne Ville de Montréal sont enfin les plus pauvres de l’île. Comme disait un ami avant ce désastre : Les Montréalais sont pauvres mais au moins, ils ont Montréal.

Ils ne l’ont plus!

Cela dit, impossible de revenir en arrière. La Nouvelle Ville de Montréal est là pour rester. Mais pour réparer les pots cassés, il faut bien identifier le marteau qui les a fait voler en éclat.

Et il ne suffit pas de changer la loi du financement des partis politiques pour arranger les choses. Il faut introduire la proportionnelle à Montréal. Sinon, on ressemble, à ce niveau comme dans bien d’autres, à une république de bananes.». Jacinthe Tremblay

***

Dans son courrier des Internautes publié le 8 novembre, Jean-François Lisée a relevé un passage de mon commentaire et y a ajouté le sien.

« Jacinthe Tremblay, ancienne attaché politique de Jean Doré, renchérit au billet Harel a gagné… dans le Montréal pré-fusions:

La réforme municipale de 2002 a eu comme conséquence un deni total de démocratie pour les citoyens de l’Ancienne Ville de Montréal. LEUR ville a été morcelée SANS QU’ILS N’AIENT UN MOT À DIRE – seuls les gens des banlieues ont eu droit à un référendum, pour comme contre les fusions. Et depuis, le maire élu par le million de citoyens de l’Ancienne Ville de Montréal n’a jamais été celui qu’ils ont élu. La Communauté urbaine de Montréal, qui assurait, en plus d’une saison gestion de services insulaires, en plus de fonctionner dans la plus grande harmonie possible entre Francos et Anglos, n’existe plus. Et les arrondissements de l’Ancienne Ville de Montréal sont les plus mals foutus en terme d’infrastructures souterraines et routières services publics alors qu’ils sont la vitrine de la Métropole du Québec sur le monde.

Les citoyens de l’Ancienne Ville de Montréal sont enfin les plus pauvres de l’île. Comme disait un ami avant ce désastre : Les Montréalais sont pauvres mais au moins, ils ont Montréal. Ils ne l’ont plus!

Elle propose en conclusion l’introduction de la proportionnelle à Montréal pour réparer un peu les dégâts. Julien David, lui propose les deux tours de scrutin, à la française. J’appuie à deux mains. L’élection de Montréal plaide pour la tenue d’un second tour. Introduisons le dans notre métropole, voyons le résultat, et discutons ensuite de son application pour tout le Québec.»

***

En lisant ce commentaire à mon commentaire, je me suis dit que peut-être que je flairais juste en pensant qu’en ce 1er novembre 2009, quelque chose allait naître.

Une réflexion sur “1er novembre 2009 (2) – À Montréal, quelque chose allait mourir.

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