Mon enquête «Dildo» a débuté il y a quelques semaines, alors que je rédigeais les légendes des photos et illustrations des œuvres des artistes membres du Réseau culturel francophone de Terre-Neuve-et-Labrador en vue de la mise en ligne d’un Répertoire illustré de ses membres, plus tard en 2009.
Accompagnant la toile que vous pouvez voir ici, Michael Lainey, un peintre de Grand’Terre (Mainland), dans la Péninsule de Port-au-Port, avait indiqué comme titre : Dildo, Trinity Bay.

Dildo, Trinity Bay. Oeuvre de Michael Lainey, Grand'Terre, Péninsule de Port-au-Port, Terre-Neuve. Photo : François Pesant.
En vue de traduire le titre de cette œuvre, qui faisait visiblement référence à une réalité terre-neuvienne, je me suis lancée à la recherche d’une traduction française du mot Dildo. Je n’ai rien trouvé d’autre que le même mot : dildo, dont la seule définition disponible dans le cyberespace est la suivante, venant, dans ce cas, de Wikipédia:
A dildo is a sexual device resembling a penis in shape, size, and overall appearance. Some expand this definition to include vibrators.[1] Others exclude penis prosthetic aids, which are known « extensions ». Some include penis-shaped items clearly designed with vaginal penetration in mind even if they are not true approximations of a penis. Some people include devices designed for anal penetration (butt plugs) while others do not. These devices often used by people of all genders and sexual orientations, for masturbation or for other sexual activity.
Soucieuse que ce pur blogue ne soit pas effacé par les censeurs, je n’inclus pas ici d’image de l’objet en question, par ailleurs facilement accessible dans Wikipédia.
***
Je n’étais pas vraiment très avancée. J’avais même un problème éthique. Est-ce que j’allais mettre dans la légende de cette scène portuaire bucolique un mot universellement connu pour nommer un jouet sexuel. Dans le but d’éviter de faire passer les Terre-neuviens en général – et Michael Lainey en particulier -, pour des demeurés, sinon des Newfies, j’ai décidé d’écrire dans la légende : Scène de Trinity Bay, Terre-Neuve.
Le mystère était cependant total. Est-ce que le mot «dildo», en langue terre-neuvienne, désigne une sorte de cabane utilisée par les pêcheurs? Une sorte d’embarcation? Ou est-ce que dans les cabanes ou les embarcations en question, les Terre-Neuviens utilisent des dildos, dans le sens connu de ce mot?
Il y a quelques jours, j’ai demandé à un serveur sympathique du Nicole’s Café, à Joe Batt’s Arm, une communauté de Fogo Island, ce qu’était un dildo. Il a rougi un peu, baissé le ton et m’a expliqué que Dildo était un minuscule village côtier de Terre-Neuve. La peinture de Michael Lainey décrivait donc une scène croquée à Dildo, un village de la Baie de Trinity.
Mais pourquoi avait-on donné un tel nom à ce village? C’est alors que j’ai consulté le Dictionnaire de l’anglais terre-neuvien offert à la consultation des clients par Nicole, la propriétaire du Nicole’s Café. On y trouve le mot dildo. Et en Newfoundlisk, un dildo est bel et bien un objet! En voici la définition, que l’on retrouve après l’entrée : Dildo – see thole pin.
Thole pin. Also tole pin, dole pin, dildo. A Small rond stick or dowel fastened to the gun-whale of a rowboat to hold the roar in place.
Sometimes, two thole pins were used ans sometimes only one, which were fastened to the oar with a ring made of rope call a whet. «We usualy keeps a few spare dole pins in the risin’s of the rodney». The word thole is from the scottish and northern English dialect meaning to «bear».
Cette définition est accompagnée d’une illustration malheureusement inexistante dans le cyberespace. Et je vous le donne en mille : une thole pin – dildo – a toutes les apparences d’un dildo, dans sa définition la plus connue.
Chose certaine, Michael Lainey, dans la toile, a bel et bien représenté une scène de Dildo. Je le sais : j’y ai fait un petit détour en me dirigeant vers St.John’s. Je ne pouvais résister à voir de près la dite scène, d’autant plus que j’étais affamée. J’ai donc mangé des pétoncles délicieux dans un restaurant de Dildo. Et avant de me retrouver à quelques mètres du lieu précis qui a inspiré Michael Lainy, j’ai fait une photo à l’entrée de ce village vraiment bucolique de la baie de Trinity.
Et je soupçonne que certains touristes, apercevant la publicité du festival de Dildo, ont pu croire que les Terre-neuviens organisaient des événements offrant des plaisirs ailleurs tabous…
—
Écrit le 3 août sur une table d’une maison de The Battery, à St.John’s et acheminé dans le cyberpespace sur une table du restaurant Coffee Matters, sur Water Street, qui offre gratuitement un accès Internet sans fil à ses clients et même à tous ceux qui s’assoient sur les tables installées sur le trottoir voisin.