Terre-Neuve 09 : The Wonderfull Grand Fog


Je vis, depuis deux jours maintenant, dans le merveilleux brouillard de St-Jean, Terre-Neuve. Sur la Neuve Terre qui inspirée l’adresse de ce carnet et son objectif avoué : être ici le jour du 60e anniversaire de son entrée dans la Confédération canadienne, le 1er avril 2009.

Je n’ai pas eu à puiser dans ma banque de trésors accumulés pendant mes rondes de bacs verts pour faire le trajet Montréal-St-Jean. Je suis venue pour  réaliser le plus incroyable des contrats : rencontrer une quarantaine d’artistes et d’artisans francophones pour les raconter dans la vitrine Internet du Réseau culturel francophone de Terre-Neuve-et-Labrador. Le produit de ce boulot sera mis en ligne en juin prochain.

Depuis deux jours, je vais de découvertes en redécouvertes plus agréables et fascinantes les unes que les autres. De personnes et du lieu. St-Jean est une ville d’une  émouvante  beauté, avec ses maisons de bois peintes de toutes les couleurs accrochés à des falaises. Avec le Narrow majestueux de son port et Signal Hill, son Lookout à la vue imprenable sur l’océan et la ville… pour peu que le brouillard intense permette de voir à plus que 10 mètres.

Le brouillard est intense depuis deux jours. Et il fait partie des raisons d’adorer Terre-Neuve. «Quand je suis au Nouveau-Brunswick, je m’ennuie de la pluie, du vent et du brouillard», m’a dit Pauline, une retraitée de l’enseignement engagée depuis plus de 15 ans dans l’action culturelle de St-Jean. Elle écrit de la poésie pour les enfants, fait de la traduction et des costumes pour le théâtre et chante dans la chorale francophone de St-Jean. Pauline est une anglophone qui a délibérément fait le choix de vivre en français dans une province qui compte officiellement 2 000 citoyens francophones sur quelque 500 000 habitants. Elle se définit comme une anglo-francophone mariée à un franco-anglophone. Son amoureux depuis sa jeune vie d’adulte est un Acadien au nom francophone qui a perdu sa langue.

J’ai aussi rencontré Colleen, une Terre-Neuvienne qui n’est pas comptée dans les 2 000 mais qui n’en a pas moins signé le premier album de chansons origininales en français de la province. J’ai aussi rencontré quelques francophones de «souche» nés sur l’île. Et beaucoup de Francos venus d’ailleurs qui ont craqué pour ses gens et ses paysages.

Ici, le métissage des cultures et des disciplines artistiques n’a rien d’un objectif formulé dans des plans stratégiques déposés aux pouvoirs publics pour fins de subventions.  C’est une réalité quotidienne, profondément enracinée dans l’histoire de ce coin de la planète qui accueille de nouveaux citoyens venus d’ailleurs depuis plus de 500 ans – et c’est sans compter les Vikings échoués sur ses côtes il y a plus de 1000 ans et dont les traces sont encore visibles à l’extrémité ouest de l’île.

Terre-Neuve a été le dernier territoire possédé par la France en Amérique du Nord. Les Anglais ont pris le contrôle de l’île après leur victoire sur les Plaines d’Abraham… Et il y a moins d’un siècle encore, les Français avaient le monopole de la pêche sur la Côte-Ouest. Au cours des derniers jours, la France a d’ailleurs annoncé son intention de reprendre son droit d’aînesse en revendiquant l’élargissement des droits de pêche autour des îles de  St-Pierre et de Miquelon, là où vivent nos plus proches Cousins, à nous les Québécois.  Une guerre se profilerait même à l’horizon, ont écrit des médias. Officiellement, les quelques morues qui nagent dans les eaux intérieures – moins des 200 milles marins – canadiennes seraient l’enjeu du conflit. Ici, tout le monde sait bien que les ressources pétrolières sont beaucoup plus importantes dans les velléités territoriales de Sarko.

Ici, on vit et meurt de la mer. Ces mots, qui ont fait écrire tant de poèmes et de chansons, sont ces jours-ci abondamment utilisés pour apaiser les coeurs des endeuillés des 17 victimes de l’écrasement d’un hélicoptère faisant la navette entre St-Jean et les plate-formes pétrolières autour du Rock. Le peine est grande mais la colère le sera encore plus, au fil des découvertes des causes de l’accident. On a découvert que la rupture d’une pièce minuscule de l’appareil avait provoqué la tragédie. Une petite pièce, vraiment? Ou plutôt la démesure de la chasse aux profits qui pousse les maîtres actuels de ce monde à ignorer la sécurité des hommes et des femmes qui les génèrent?  Ici, la peine est grand mais la colère le sera encore plus.

À cause de ce drame et pour fins de 60 ans de Canada, entre autres, Terre-Neuve sera donc HOT dans les nouvelles de la Mainland (leur Reste du Canada à eux) au cours des prochains jours. On parlera des 60 ans au téléjournal de Radio-Canada. Patrick Masbourian sera ICI pour y faire son émission de soirée sur la Première chaîne. Et je raconterai ICI quelques bouts de la vie dans la province.  Pendant que la Maison «essaiera de comprendre», j’essaierai de partager ce que je suis parvenue à sentir et aimer depuis la trentaine d’années où le Old Rock – le nom affectueux donné à l’île par ses habitants – m’attire comme un aimant.

Une réflexion sur “Terre-Neuve 09 : The Wonderfull Grand Fog

  1. À propos de cet accident d’avion – la regrettée Hélène Pedneault a écrit
    « La colère est une sprinteuse, l’indignation est une marathonienne ».

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